vendredi 30 avril 2010

L’axe du Mal

Première partie : les puissances de l'axe


Je viens de visionner le dernier film de Michael Moore, « Capitalism, a love story », film excellent qui montre les images de ce que décrit inlassablement le journaliste Pierre Jovanovic1, à savoir le pillage systématique de la richesse commune par une oligarchie financière.
Leur discours est à rapprocher de « l’argent-dette2 », documentaire qui explicite techniquement le fonctionnement vicié du système bancaire et démontre son caractère criminel.
La façon éhontée dont les grandes banques ont, aux yeux de tous, provoqué la crise – via la mise en place de produits financiers toxiques – puis se sont fait renflouer par des centaines de milliards de dollars ou d’euros d’argent publique est révélatrice de quelque chose de très inquiétant. Mais, plus écœurant encore, ce que le film de Michael Moore met en exergue, c’est la dualité du spectacle auquel on assiste après le sauvetage des banques et institutions financières géantes :
D’un côté, les pigeons, le peuple, en général la classe moyenne – dans le film de Michael Moore, américaine – qui, non contents de voir l’argent de leurs impôts utilisé pour maintenir en place un système inique et inhumain, n’ayant profité réellement – et outrageusement – qu’à un petit nombre, font de surcroît les frais de cette crise en perdant tous leurs biens, en tout cas pour ceux qui avaient eu le malheur de souscrire à ces emprunts pipés qu’un honnête conseiller financier de leur banque leur avait fait signer. On assiste alors à leur déchéance, les voyant passer de la classe moyenne à la précarité absolue.
De l’autre côté, les employés « importants » des banques – direction, traders – se reversent des salaires et des primes qui donnent le vertige et ne font strictement rien pour relancer les entreprises mises à mal par la crise.
Je me rappelle le président Sarkozy, faisant pour être élu des promesses de socialiste sur la manière dont il allait aider les pauvres à remonter la pente. Puis, peu de temps après son élection, cet homme qui venait de passer près de quinze ans dans les ministères de l’intérieur et des finances, feignant de découvrir la situation catastrophique de la France, se mit en colère devant un parterre de journalistes qui avaient eu l’outrecuidance de lui parler de ses promesses électorales, et prétendit soudain qu’il ne pouvait rien faire avec des caisses vides. Il lui a suffi d’un claquement de doigts pourtant, au lendemain de la chute des premiers dominos bancaires aux Etats-Unis et en Europe, pour trouver 360 milliards d’euros à injecter dans le système3. Et il s’agissait bien d’argent publique, puisque pour une fois, ce sont les états qui ont « prêté » aux banques. Que ce soit en France, ailleurs en Europe ou aux Etats-Unis, les hommes politiques qui ont pris la décision de renflouer les banques ont déclaré que ces versements étaient conditionnés à une aide que ces institutions financières devraient à leur tour consentir aux entreprises. Seulement ce que l’on apprend en regardant « Capitalism, a love story », c’est qu’aucun contrat stipulant une telle condition n’a été signé, et qu’aucun droit de regard n’a été demandé aux banques ayant reçu cet argent quant à l’usage qu’elles allaient en faire. Il n’est donc guère étonnant que Michael Moore ne soit reçu par aucun dirigeant de ces banques et qu’il se fasse refouler par les sbires de la sécurité aux portes de ces établissements.
Le caractère mafieux de cette organisation4 est de plus en plus apparent pour une portion croissante de la population. Il y a bien sûr ceux qui en font les frais, mais aussi tous ceux qui s’inquiètent, à juste titre, pour l’avenir.
Car il y a de quoi s’inquiéter, si l’on se réfère aux conclusions des travaux de Pierre Hillard, docteur en sciences politiques et écrivain, dont j’ai pu regarder diverses interviews et conférences5. Enfonçant le clou planté par François Asselineau6 et le dépassant hardiment, ce professeur de relations internationales nous confirme de façon indubitable qu’une oligarchie apatride complote, œuvrant en vue de l’avènement d’un gouvernement mondial. Et il dresse l’historique d’une sombre mouvance qui prend ses racines dans l’histoire et que l’on peut retracer, en ce qui concerne l’idéologie, sur plus d’un millénaire, en ce qui concerne l’action actuelle, sur au moins un siècle. Son dernier livre, « la marche irrésistible du nouvel Ordre mondial », recèle les sources et documents que Pierre Hillard utilise pour avancer dans son analyse sans concession du système maitrisé par ces oligarques. Après plusieurs heures de visionnage de quatre de ses interventions, je conclus que Pierre Hillard est bien aussi pessimiste que moi quant à l’avenir qui nous attend. Non point que je me compare à ce grand universitaire dont le savoir provient d’années d’études, de lectures et de recherches personnelles très pointues. Mais mes propres recherches et lectures, quoique que bien moins fournies, m’ont amené exactement aux mêmes conclusions, et ma connaissance de l’être humain au même pessimisme pour la suite des événements.
Bien entendu, j’engage vivement le lecteur à cliquer sur les liens donnés au bas de cet article et à voir ces interviews et conférences par lui-même. Je lui promets des découvertes édifiantes ou, pour ceux qui ont déjà creusé dans cette voie, une mine de précisions qui permettront d’assurer leur jugement.
Outre François Asselineau, j’ai associé les assertions de Pierre Hillard à d’autres interventions que j’ai visionnées récemment, et deux en particulier : celle d’Alexandre Rougier – journaliste qui a publié sur la revue Nexus un article concernant le Codex Alimentarius7 – et celle de Pierre-Henri Gouyon, Directeur du Laboratoire Ecologie Systématique Evolution à l’Université de Paris XI, Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. J’ai regardé avec intérêt sa conférence « Darwin : la théorie de l'évolution et la génétique humaine »8. La majeure partie de son discours a trait à l’histoire de la biologie et à l’évolution de cette matière jusqu’à nos jours. Bien que cela soit passionnant, c’est le thème final qui attire mon attention dans le contexte de cet exposé : il y parle de l’eugénique et de son émanation politique, le concept d’eugénisme, dont on voit avec Pierre Hillard l’impact dans la sphère du mondialisme. Pierre-Henri Gouyon nous dresse la description, l’historique de ce concept, et ses dérives qui sont loin de ne concerner que la seule Allemagne nazie, que ce soit chronologiquement ou géographiquement. Ce scientifique, qui se différencie de l’immense majorité de ces confrères, termine sa conférence par une mise en garde importante – bien qu’il avoue son pessimisme – quant à l’aveuglement actuel qui pousse la sphère politique à avaliser une course effrénée au progrès qui, au niveau de la génétique, s’avère déjà une promesse de calamités incommensurables à venir. D’une part du point de vue de l’intervention sur le génome humain : nous sommes actuellement en train de pénétrer à la fois dans « Gattaca » et dans « the island »9, la science médicale proposant déjà la création d’enfants-greffons (engendrer un enfant dans le but de fournir à son frère ou à sa sœur malade une possibilité de greffe compatible) et étant apte à proposer un choix parmi des embryons dont les gènes, analysés, permettront de déterminer le plus performant. Et la culture à partir de cellules souches permettra quant à elle de développer des organes de rechange. Il faut regarder cette conférence pour mesurer le danger de la dérive de cette science et des processus gigantesques qui s’opposent à l’éthique dans ce domaine. Il en va de même, d’autre part, pour les manipulations génétiques sur les plantes (OGM) et là, les précisions de Pierre-Henri Gouyon nous démontrent sans conteste l’irrémédiable destruction et transformation du vivant que les immenses sociétés comme Monsanto, Sygenta etc. sont en train de réaliser dans leur course vers le contrôle mondial de l’agro-alimentaire. Il rejoint alors le discours d’Alexandre Rougier qui a enquêté sur le Codex Alimentarius. Ce codex, mis en place au sein de l’ONU et financé par la FAO et l’OMS, émet des normes auxquelles aucun état ne peut échapper, et qui légifère donc sur tout ce qui est alimentaire, depuis la semence jusqu’à l’assiette.
Faisant au départ un livre sur la vigne et le vin, il rencontrait des vignerons afin de réunir la documentation nécessaire à son ouvrage quand il approcha l’un d’entre eux qui avait été collaborateur du ministre de l’agriculture en 1995-96 pour le domaine de l’agriculture biologique. Cet homme intègre lui confia nombre de choses qui avaient choqué son éthique (papier de la commission de Bruxelles révélant un programme d’éradication de l’exploitation agricole familiale, pressions, voire menaces de lobbyistes installés au ministère etc.) et lui parla du Codex Alimentarius. C’est ainsi qu’Alexandre Rougier décida de s’y intéresser. Le résultat de son enquête est édifiant. D’après lui, les industries de l’agro-alimentaire et de la chimie (fabriquant les produits dits phytosanitaires ou les produits pharmaceutiques) sont liées. Certaines sociétés réunissant d’ailleurs les deux (par exemple une même société produisant du sel et fabriquant des médicaments contre l’hypertension). Les règles édictées par le Codex ne sont manifestement pas orientées vers la santé ou la sécurité alimentaire, mais servent bel et bien les seuls intérêts des industries du secteur. Sa conclusion est très troublante : la prise de contrôle des géants de l’agro-alimentaire par le biais – entre autres – du Codex Alimentarius a pour objectif de fournir à la population mondiale une alimentation de mauvaise qualité, polluée par des molécules toxiques, et carencée. Ainsi, deux effets en découlent :
En premier lieu, la santé des individus décroît, le consommateur idéal du point de vue des trusts pharmaceutiques étant un perpétuel malade, mais qui vit assez longtemps pour se faire prescrire le maximum de leurs médicaments (responsables à leur tour de nouvelles fragilités, pathologies etc.).
En second lieu, l’ingestion régulière de molécules neurotoxiques (aspartame, glutamate) entraine une altération des capacités cérébrales des consommateurs (Alexandre Rougier dit de l’aspartame qu’il « rend dingue », qu’il « rend con »), transformés petit à petit en ce que Pierre Hillard nomme « des systèmes digestifs prolongés par un sexe ».
« Les vrais leviers de décision, de pouvoir ne sont plus du tout à la portée des états nationaux » dit ce journaliste en guise de conclusion, précisant que le pouvoir décisionnaire se trouve au-delà, et il désigne alors cette même oligarchie mondialiste dont parle Pierre Hillard et se montre lui aussi pessimiste. Car si George W. Bush utilisait une réthorique manichéenne, se faisant passer pour un fervent défenseur de la morale chrétienne, le concept d'axe du Mal dont il avait qualifié les ennemis fabriqués par son administration va comme un gant à ceux-là mêmes qui pointent alentour un doigt accusateur, c'est-à-dire à ces oligarques, ces puissances de l'ombre, et à leurs exécutants, tous ces gouvernants de par le monde qui soldent les peuples, la terre et le vivant contre les miettes de leur gâteau. Et cet axe, en véritable rouleau compresseur, avance lentement mais sûrement, vers le dessein fixé par ses fondateurs, qui est tout sauf humaniste...

Deuxième partie : Le terreau du Pire


Après avoir mesuré ce pouvoir à l'œuvre, Alexandre Rougier ne peut résolument plus penser à une résistance possible. En tout cas, il n'en dénote aucune qui soit structurée et qui ait une quelconque chance de succès. Il cite toutefois le travail d'Alex Jones, ce journaliste indépendant américain qui n'a de cesse de dénoncer l'oligarchie mondialiste. Je viens de revoir son dernier film : « La déception Obama »10, et je suis surpris de constater à quel point il est en concordance avec le discours de Pierre Hillard, le film de Michael Moore ou les révélations de la revue de presse de Pierre Jovanovic pour ce qui est de l'administration Goldman-Sachsienne d'Obama.
Je dois avouer que j'avais de la méfiance envers Alex Jones après avoir vu son film « endgame »11. Il donnait beaucoup d'informations sur le groupe Bilderberg et le sombre complot ourdi par ses membres. Cette profusion de données, difficilement recoupables à mon niveau, m'ordonnait de douter de ses assertions. J'ai néanmoins gardé un œil ouvert sur cette thèse du complot qui, si elle parait énorme, n'en était pas pour autant impossible.
Alex Jones me fait penser un peu à Michael Moore dans sa façon de faire du journalisme et de tourner un documentaire : ce sont deux personnages extravertis, se mettant en scène et organisant des situations cocasses destinées à corroborer tel ou tel fait. Mais Alex Jones va plus loin dans ce qu'il dénonce et s'agite beaucoup plus que Michael Moore qui est un homme plus posé. C'est peut-être aussi cette agitation qui incite à la méfiance : une personne agitée est plus facilement soupçonnée de déséquilibre mental qu'une personne calme, ce qui est probablement une erreur. Mais il faut dire à la décharge d'Alex Jones que la teneur explosive des faits qu'il dénonce, alliée à la foi qu'il a en la capacité des citoyens de s'unir pour enrayer la mécanique mondialiste, le pousse sans doute à crier pour être mieux entendu. Je me rends compte aujourd'hui qu'Alex Jones était dans le vrai depuis le début. À part en ce qui concerne son espoir de retournement de situation.
Pour ma part, cela fait 30 ans que j'essaie de transmettre des raisonnements et des informations qui vont à l'encontre de la propagande dans laquelle nous baignons. Je tire de cette expérience le même enseignement que Pierre Hillard, et je le formule exactement pareil d'ailleurs : du moment que le frigo est plein et que la télé n'est pas en panne, le citoyen moyen ne s'inquiète de rien. En effet, l'immense majorité de nos concitoyens est représentée à merveille par les deux petits cochons joueurs que j'ai décrits dans « le symbolisme des contes12 ». On pourrait croire qu'ils n'ont pas peur du loup, mais leur apparente quiétude masque au contraire une peur panique que seul le déni leur permet de faire taire. Peur de la mort, des mauvais traitements, de la déchéance sociale, de devenir clochard, de finir dans un hôpital psychiatrique, en prison... Pour échapper à la frayeur, ils ont accepté depuis le début de faire confiance à ceux qui les ont rassurés. Il y eut tout d'abord leurs parents, les adultes de leur entourage, les maîtres et maîtresses à l'école puis, à l'âge adulte, les journalistes, les présentateurs de journaux télévisés. Tout ce joli monde leur assure qu'il n'y a rien à craindre, que la démocratie est en marche, que tout est honnête, qu'ils vivent bien dans le monde libre, que ceux qui parlent de complots sont de pauvres gens atteints de paranoïa. Et comme nos petits cochons n'ont pas envie d'être effrayés par quelque information mal venue qui remettrait en question un si bel équilibre, ils préfèrent croire que les stars du petit écran, en qui ils ont placé leur confiance, sont bien informées et les préviendraient tout de suite si quelque chose de grave se tramait.
De plus, lorsque la peur devient panique, c'est le sauve-qui-peut qui l'emporte. L'individualisme, l'égocentrisme est alors exacerbé: « Pourvu que ce soit l'autre qui tombe, pas moi ». Voila le sentiment de chacun dans une foule paniquée. Pas question d'esprit chevaleresque, de solidarité, de compassion. L'individu qui vit sous l'emprise de la peur est comme un zèbre dont le troupeau est attaqué par les hyènes. Lorsque les prédateurs ont choisi leur proie, les autres zèbres s'en écartent, trop heureux d'avoir été épargnés. Les humains, dans une immense proportion, ne sont guère différents. C'est à mon avis cette caractéristique qui fait d'un peuple le terreau fertile où peuvent germer les courants extrémistes. Les communautarismes, l'intolérance, le racisme ne sont que des conséquences de la peur et de son corollaire immédiat : l'égoïsme. Cette peur qui est l'instrument manié par les gouvernements quels qu'ils soient pour asseoir leurs mesures anti-démocratiques permettant de contrôler les peuples, réduisant petit à petit les libertés tout en creusant, parallèlement, les inégalités. Le thème récurrent de l'insécurité, permettant à la droite de régner, en est une composante bien connue. Une autre composante aussi essentielle pour le pouvoir est le concept de guerre premanente développé par George Orwell dans « 1984 ». Ainsi, pas de trêve! Ceux qui avaient rêvé de paix après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide en sont pour leurs frais. Un nouvel ennemi, rapidement mis en scène par Hollywood13 a pris le relais des communistes : les terroristes islamistes et les états voyous qui les soutiennent. Cette pratique a deux avantages majeurs. Elle permet tout d'abord de trouver des subterfuges légitimant la violation de la souveraineté de nations non alliées (guerre, destabilisation de régime, ingérence, soutien d'une rébellion etc.). Elle permet ensuite de maintenir un degré minimal et constant de peur au sein de la population. Après l'angoisse de l'holocauste nucléaire, nous voici dans l'attente d'attentats terroristes aveugles, dont on nous assure qu'ils peuvent frapper partout, d'un choc de civilisations, d'une nucléarisation de pays dirigés par des fous (comme si ce n'était pas déjà le cas avec les États-Unis, la Russie, Israël, la France...).
Bref, l'état de guerre distille la peur et le sentiment patriotique qui amplifie cette peur. En effet, le patriotisme réduit toute pensée à un niveau primaire où règne un manichéisme de base : il y a nous et eux, ceux qui sont avec nous, et ceux qui sont contre nous. Ainsi, tout le monde se range hardiment derrière le chef, et toute critique envers le pouvoir est assimilée à une sympathie avec l'ennemi, donc émanant d'un traitre. En définitive, si l'ennemi est bien la première source de peur en temps de guerre, il est très vite relayé par ceux de son propre camp qui pratiquent allègrement l'assassinat de tous ceux qui, ne courant pas joyeusement à l'abattoir, sont considérés comme des traitres.
Dans le cas de la guerre froide ou de la guerre contre le terrorisme, on a affaire à des états de guerre latents. Les combats ont lieu dans des pays lointains, mais l'alerte est permanente. Le patriotisme n'atteint pas le même niveau et n'aboutit pas à l'exécution publique des traitres, mais il est suffisamment efficient pour permettre entre autres le vote de lois restreignant les libertés et en empêcher la critique médiatique. Il permet en tout cas de maintenir, en sourdine mais avec constance, un signal de peur dans l'esprit du citoyen.
Peur de l'ennemi sournois, de la délinquance, de la crise financière : les petits cochons joueurs ont besoin de plus en plus de divertissement! Heureusement, la télévision, en bon instrument du pouvoir financier, s'en est fait une spécialité. Les documentaires de Christophe Nick projetés récemment sur France 214 le montrent habilement. Dans « le temps de cerveau disponible », il analyse la dérive des médias qui produisent des jeux, des émissions, de télé-réalité ou pas, qui ne s'adressent pas à l'intellect de l'individu mais à son côté pulsionnel. Et la dérive concerne la surenchère que l'on observe dans la violation de la sphère de l'intime, dans l'impudique, dans le voyeurisme malsain et le triomphe de l'immoralité, de la médiocrité banale. Il est clair que la télévision – devenue l'éducateur numéro un des enfants du monde entier, passant avant l'école et même les parents – participe pleinement à l'évolution néfaste de cette jeunesse majoritairement en perte de repères, aculturée et de plus en plus violente. Je recommande de regarder ce documentaire avec attention, ainsi que l'émission « jusqu'où va la télé? » présentant le film « le jeu de la mort ». On assiste là à la reconstitution de l'expérience effectuée par Stanley Milgram, un scientifique américain, dans les années 60, transposée à l'univers d'un plateau de jeu télé. Bien que le film pointait du doigt la formidable puissance de la télévision sur l'esprit des êtres humains, on peut encore y lire le degré extrème de soumission des individus ordinaires : 100% des personnes retenues ont accepté un contrat prévoyant d'administrer en guise de punition des chocs électriques de force croissante à un second candidat (pour l'expérience, un acteur complice). Puis 9% ont arrêté après avoir atteint 19 degrés sur 27, soit après avoir administré à l'autre des décharges sensées aller jusqu'à 320 volts. Les 81% restant sont allés jusqu'au bout. Tous les sujets de l'expérience avaient conscience de la torture qu'ils infligeaient et se sentaient très mal à l'aise. Une force pourtant les poussait à rester, coincés par la situation et l'autorité qui les dominait et leur commandait de continuer. Ce qui est intéressant et qui, à mon sens, n'a pas été assez pris en compte dans l'analyse, c'est la participation active et volontaire du public.
Lors de l'émission, un débat suivait la projection du film et des avis et thèses diverses furent avancées par les différents intervenants. Chacun est invité à se forger son opinion. En ce qui me concerne, je pense que, outre une certaine lucidité et un esprit d'anticipation qui leur aurait permis de se rendre compte dans le bureau du producteur de la situation qu'ils allaient vivre, ce qui a fait défaut à ces personnes est le courage nécessaire pour s'en extraire.
Le courage était dans les sociétés tribales une vertu essentielle dont le jeune homme devait faire montre lors de son passage à l'âge adulte. Cette vertu était alors souvent partagée par les femmes. Mais notre société ne l'encourage pas. Il peut s'avérer que l'agressivité, l'audace voire le culot soient requis pour occuper certaines fonctions sociales. Mais pas le courage, car celui-ci peut conduire à la désobéissance ou à la révolte. Même les gens très haut placés doivent marcher dans les clous. Ceci explique que l'hypnose, pratique exigeant la soumission à l'autorité du sujet pour fonctionner, soit efficace sur une très forte proportion de la population. L'expérience de Milgram, induisant ce que les psychologues ont appelé ici l'état agentique, se rapproche assez de l'hypnose, du point de vue des mécanismes psychiques mis en œuvre.
Les résultats obtenus par Milgram puis par ses successeurs jusqu'à l'équipe de scientifiques réunis par Christophe Nick démontrent bien que la population est semblable à un troupeau d'animaux domestiques dressés à obéïr et dont l'intelligence ne sert qu'à trouver des subterfuges pour se dissimuler cet état de fait. Le film « le jeu de la mort » peut être assez inquiétant. Une philosophe en fait état dès le commencement du débat : on ne peut que penser au nazisme et à sa chaîne de déportation et d'élimination. Après avoir vu ce film, il parait évident qu'une telle horreur pourrait tout à fait se reproduire demain. On en perçoit très bien l'ombre dans l'atmosphère du plateau de télévision.
Cette télévision dont Alexandre Lacroix, un autre philosophe invité de l'émission15, a suggéré qu'elle faisait œuvre d'une telle nuisance “qu'il serait sain de ne pas en avoir chez soi”. Sa contribution, son rôle éminent dans l'axe du mal me fait penser à un passage de la révélation de Saint-Jean16:
« Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués. »
J'ai toujours vu dans cette image animée la description de la télévision. Mais l'Apocalypse se poursuit et la bête et sa suite (tous les rois de la terre et leurs armées ) sont écrasées. Comme Pierre Hillard, je suis certain que l'axe du Mal ne pourra pas finalement triompher. Malgré sa puissance, malgré son élan, la rapacité de ses planificateurs et la docilité du troupeau. Il va certes provoquer le chaos et continuer son travail de destruction de l'humanité, du vivant. Mais la caste de l'oligarchie financière sera à mon avis rattrapée par la justice – pas celle des hommes, qui lui est subalterne...
Car son existence est cohérente dans un monde tissé pour constituer une épreuve. Mais sa victoire n'a aucun sens.







1. Sur son blog et sur les ondes grâce à la radio « ici et maintenant » où il produit une émission hebdomadaire sur l’apocalypse financière.
2. Que l’on peut voir sur Youtube en plusieurs parties (voici la première).
3. Voir le discours de Christine Lagarde, le 20 octobre 2008, à l’assemblée nationale.
4. On retrouve cette comparaison à la criminalité dans de nombreux articles des plus sérieux publiés sur internet, par exemple cet article paru le 4 octobre 2008 sur le site info-palestine.net. Pierre Jovanovic, quant à lui, utilise le terme de « banksters ».
5. À voir en premier, une conférence intitulée « La marche vers l’état mondial », disponible sur Dailymotion en 6 parties (1, 2, 3, 4, 5 & 6). On regardera également avec intérêt l’excellente émission de radio animée par Laurent (Ici & maintenant) consacrée à Pierre Hillard.
6. Diplômé d’HEC, ancien élève de l’ENA, inspecteur général des finances. Conseiller de Paris. Ancien porte-parole du RPF-IE. Président de l’Union Populaire Républicaine, il tient en outre une série de conférences sur l’Europe, sa gouvernance occulte et son influence sur les états qui la compose et bien sûr la France. La conférence dont je donne le lien, visible sur Dailymotion, est d’une piètre qualité vidéo, mais est très instructive et je la conseille vivement à tout esprit curieux.
7. interview sur la radio « ici et maintenant » (encore par Laurent) accessible sur le site de la radio.
8. La vidéo de la conférence de Pierre-Henri Gouyon est téléchargeable sur le site smartorrent, moyennant une simple inscription gratuite.
9. « Bienvenue à Gattaca » : excellent film d’Andrew Niccol avec Ethan Hawke et Uma Thurman, mettant en scène un monde régi par la génétique. À voir absolument.
« The Island » : film de Michael Bay sorti en 2005 et modélisant un institut où sont « cultivés » les clones des clients d’une société qui se propose de fournir les organes qui pourraient faire défaut au cours de notre vie, et garantir en ce cas un greffon parfait.
10.Ce film est visible sur Dailymotion en 6 parties (1, 2, 3, 4, 5 & 6).
11.Endgame est visible sur Google Video.
12.Lire la première partie de cet article.10.
13.Voir « couvre-feu » avec Bruce Willis (1998) et tous ces films sortis tout juste après la fin de la guerre froide où le bon espion américain déjoue un attentat inhumain et terriblement destructeur perpétré par des musulmans fanatiques.
14.Le premier, « le jeu de la mort », a été projeté lors de l'émission « jusqu'où va la télé », présentée par Christophe Hondelatte, visible sur Dailymotion.
Le second, « le temps de cerveau disponible », a fait l'objet d'un documentaire infrarouge le lendemain. Il a été posté par Tchelsoo sur ubest1.com.
15.Et rédacteur de « Philosophie Magazine ».
16.Apocalypse 13:15 - Apocalypsis signifie révélation en grec.

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lundi 4 janvier 2010

Le réchauffement climatique en question

Au lendemain du sommet de Copenhague mais bien indépendamment de cet événement, je suis amené à me questionner sur le sujet du réchauffement climatique, car mon attention a été attirée par un courant dont j’ai déjà parlé1, courant de pensée dissident qui s’exprime sur internet et qui crie à « l’arnaque ». Cette dissidence est tout d’abord scientifique : un certain nombre de scientifiques de haut niveau refusent d’adhérer à la théorie du réchauffement d’origine anthropique – provoqué par l’activité humaine – et dénoncent un ostracisme du reste de la profession, mais aussi des médias et de la sphère administrative dont ils dépendent pour leurs travaux. Leur position, perçue comme hérétique, expliquée sur des sites internet ou des documentaires, a convaincu une masse d’internautes dont une bonne part, comme le Antonio s’étant exprimé sur le site de Greenpeace1, sont assez virulents et parlent d’arnaque, de complot etc.
Qu’en est-il exactement ? Même si tout selon moi accrédite la thèse maintenant officielle, j’ai voulu connaître la problématique posée : il s’agit tout simplement d’un principe de prudence vis-à-vis de ce que l’on considère comme acquis. Si l’on a raison, on pourra connaitre les arguments adverses et y déceler les points faibles. Si l’on a tort, on pourra se raviser et reconsidérer ses positions.
J’ai donc regardé attentivement deux vidéos que je me suis procuré :
Un montage nommé « la grande arnaque du réchauffement climatique », fait par un internaute et circulant sur les sites de Peer-to-Peer2. Puis la vidéo d’une conférence du professeur Courtillot3, géophysicien spécialiste du paléomagnétisme. Ce proche de Claude Allègre énonce ses arguments et ses soupçons quant aux méthodes et à l’honnêteté des scientifiques travaillant pour le GIEC4.
Voulant essayer d’y voir plus clair, j’ai donc effectué sur la toile une recherche qui m’a permis de me rendre compte qu’une véritable bataille rangée avait lieu sur le sujet, entre les affidés de la version officielle et leurs contradicteurs. Cette tension belliqueuse, décuplée par l’affaire du piratage (appelée Climategate) des mails du CRU5 de l'université d’East Anglia, aurait du nous être dévoilée par les médias. Bien que dans les pays anglo-saxons, l’information ait circulé sur cet événement, il semble qu’une omerta soit respectée unilatéralement ou presque par les médias français6. Néanmoins, encore une fois, c’est la blogosphère qui a joué le rôle normalement dévolu à la presse.
« Bataille rangée » est l’expression qui convient le mieux pour décrire la controverse qui sévit entre les deux camps qui s’accusent mutuellement de manipulation, de fraude sur les preuves avancées, et qui se traitent de divers noms d’oiseaux. Cette attitude, banale chez les anonymes qui trollisent7 les blogs, forums et sites d’information, surprend un peu de la part de professionnels ou d’écrivains de blogs. C’est dans cette ambiance trouble qu’il m’a fallu lire les démonstrations contradictoires de tous ceux qui participent à la discorde.
Inutile de dire que les pages traitant du sujet sont légions. J’en ai lu quelques unes, pour8 ou contre9, et d’autres tentant de faire le point sur la controverse10. Bien sûr, je conseille au lecteur de parcourir lui-même ces pages, afin de se faire une idée personnelle sur ce point. Je dois dire que le sujet est très complexe, et qu’il m’a été difficile de trancher sous l’avalanche de données différentes (et parfois opposées) à laquelle on est soumis lors de cet exercice. Je vais maintenant relater au mieux la situation, en essayant de la rendre le plus clair possible. Je donnerai ensuite mon avis.
Tout d’abord, le consensus : d’après Wikipédia11, un sondage effectué par des chercheurs de l’université de l’Illinois12 révèle un large consensus scientifique en faveur du réchauffement dû à l’effet de serre. Les résultats accolés d’un autre sondage montre que l’opinion populaire est nettement plus mitigée. Les scientifiques sceptiques sont en majorité non climatologues. Toutefois, leur panel regroupant plusieurs spécialités, ils sont aussi plus nombreux dans leur totalité, et leur nombre ne ressort pas vraiment du graphe qui ne comptabilise qu’en pourcentages. Le résultat exprimé de ce sondage :
« Il semble que le débat sur l'authenticité du réchauffement global et sur le rôle joué par les activités humaines soit largement inexistant parmi ceux qui comprennent les nuances et les bases scientifiques des processus climatiques à long terme. »
joue évidemment en faveur des thèses du GIEC.
Les sceptiques appellent leurs adversaires les « réchauffistes », et se nomment eux-mêmes « climato-sceptiques », appellations assez impropres il me semble : en effet, si les sceptiques se divisent en deux groupes, ceux qui ne croient pas à l’origine anthropique du réchauffement et ceux qui ne croient pas au réchauffement, les plus nombreux ne remettent pas ce dernier en doute, et seraient bien aussi des réchauffistes… Donc, pour mettre tout le monde d’accord, je diviserai les réchauffistes en anthropistes et soleillistes (car la principale cause naturelle mise en avant par cette catégorie de sceptiques est l’influence solaire sur le climat) et je les distinguerai des refroidistes.
Puisque ces derniers sont amplement minoritaires et que leur théorie me parait douteuse, je ne m’appesantirai pas ici sur cette facette de la contestation et me concentrerai sur le différent qui oppose anthropistes et soleillistes.
Les champs de batailles sont multiples, mais il y en a deux qui se dégagent particulièrement : la réalité de la courbe exponentielle des températures, qui atteindrait déjà un niveau inégalé d’après le GIEC, et l’influence du CO2 dans cette hausse.
Tout le monde connait la position du GIEC : l’activité humaine a produit une quantité de CO2 telle en deux siècles d’industrialisation que la couche de gaz à effet de serre, devenue plus dense, se réchauffe et entraine des réactions en chaîne qui pourraient aboutir en un temps géologiquement très court à une catastrophe planétaire, certains parlant même d’ « effet Vénus » pour désigner un stade irréversible de montée des températures interdisant la possibilité de vie sur Terre.
Pour les soleillistes, par contre, rien d’aussi dramatique ne se profile : la hausse actuelle des températures n’est pas si accentuée que le prétend le GIEC. Elle n’est qu’un épisode dans le cycle permanent des fluctuations de températures sur Terre, amplement dominées par des facteurs cosmiques (trajectoire non uniforme autour du soleil, activité de celui-ci et influence des rayons cosmiques, mouvements de l’axe terrestre) ou géologiques (volcanisme, magnétisme terrestre). Quant au CO2, ce gaz est plutôt un bienfait pour la végétation qu’il booste, et n’est pas si actif en tant que gaz à effet de serre. Sa concentration, loin d’être dangereuse, ne semble être qu’un détail insignifiant dans l’équation du climat.
Les soleillistes accusent donc le GIEC de ne pas tenir compte dans ses modèles des facteurs cosmiques et géologiques, et de surestimer l’influence du CO2. Les scientifiques collaborant avec le GIEC sont accusés de fraude afin de faire coller leurs résultats avec une conclusion préétablie.
Les anthropistes disent tenir compte de tous les facteurs d’influences climatiques (« forçages » radiatifs, naturels et anthropiques) dans l’élaboration de leurs modèles, et accusent à leur tour les soleillistes du même délit de falsification et de méthode frauduleuse pour aboutir à la conclusion inverse.
L’analyse des documents listés en sources m’a amené à constater que les deux camps se sont livrés à la falsification. De plus, les discours des uns et des autres comportent chacun des failles qui me font finalement douter de leur intégrité et, pire, de leur compétence pour s’exprimer sur cet état de fait.
Par exemple, les courbes du GIEC ont été apparemment truquées pour gommer l’optimum médiéval, cette période qui aurait été plus chaude que la période actuelle. Les soleillistes se servent de cette période pour mettre en corrélation la température et l’activité solaire. Seulement, il se trouve que si la température globale lors de cette période est donnée comme largement supérieure à celle que nous avons actuellement, l’activité solaire n’était pas supérieure, elle, ce que les soleillistes ne paraissent pas remarquer. Et lorsque l’on compare les courbes de l’USGS (Institut d'études géologique des États-Unis) et de l’institut Max Planck représentant l’activité solaire depuis respectivement 1000 et 150 ans, on discerne des différences 13. Bref, si l’on vérifie avec beaucoup d’attention toutes les données fournies dans les différents exposés, on tombe régulièrement sur des points où les données ne sont pas en totale adéquation avec le discours construit autour.
À la rhétorique des scientifiques succède celle des blogueurs et des sites qui prolongent le discours et s’attaquent aux motivations de l’adversaire. Ainsi les anthropistes pensent que les soleillistes agissent pour le compte de l’industrie, des pétroliers et de tous ceux qui auraient à pâtir de mesures prises contre l’émission de CO2. Quant aux soleillistes, ils accusent leurs adversaires d’être les instruments d’un complot visant à l’instauration d’un gouvernement mondial, une sorte de nazisme moderne qui se mettrait en place grâce au financement que procureraient les taxes sur le carbone.
Il est vrai que les soleillistes semblent bien être les chantres du progrès, de la science et de ses produits industrialisés, et que les anthropistes ont une propension bizarre à pointer leur viseur sur le CO2.
En fin de compte, après quelques jours d’étude sur tous ces sites, j’ai la même impression que celle que l’on a devant un débat houleux à l’assemblée ou sur un plateau de télévision : les mots volent dans tous les sens, et on a le sentiment d’une totale inefficacité des intervenants. En fait, il y a un réel problème, mais il est mal appréhendé, par les uns comme par les autres, et tandis que tout ce joli monde brasse du vent, le problème vit sa vie et s’amplifie tranquillement.
Car on peut bien se poser la question en effet : à quoi sert le GIEC ? Après tout, comme tout ce qui a été mis en place par l’ONU sous paravent humanitaire, son rôle est assez trouble. Se pourrait-il que, comme le pensent les soleillistes, il soit là simplement pour avaliser la mise en place d’une nouvelle taxation ? Ce n’est pas impossible. En tout cas, c’est bien le seul effet qu’a eu jusqu’à maintenant cette institution.
La machine humaine a, comme le Titanic, une inertie. Si l’on avait voulu éviter l’iceberg que représente le réchauffement climatique, en considérant qu’il est bien au moins en partie d’origine humaine, il aurait fallu inverser complètement la vapeur et changer de trajectoire. Au lieu de ça, on a créé le GIEC, qui a lui-même engendré son contre-courant, et de palabres en palabres, le temps passe. C’est un grand classique de la politique : pour passer outre un problème, il faut faire mine de s’en occuper. Par la création d’un groupe d’étude, d’une commission d’enquête, bref un leurre composé de pantins grassement payés à la tête de qui on place quelques complices chargés de mener le char avec lenteur et dans une direction choisie.
Et puis, le réchauffement d’origine ou non anthropique n’est-il pas l’arbre qui cache la forêt, à savoir le nombre impressionnant de problèmes majeurs imputables à l’humanité et qui font d’elle une personne morale sans la moindre… éthique !
De l’iniquité sociale qui règne d’un bout à l’autre de la Terre, au sein d’un même pays ou d’un pays envers un autre moins favorisé, jusqu’à l’érosion de la biodiversité due à tant de causes humaines – réduction de l’habitat par la déforestation massive, empoisonnement par la pollution des sols, des nappes phréatiques, des fleuves, mers, océans etc. – en passant par l’ignominie que constituent l’élevage en batterie, la surpêche, la production d’OGM, de molécules dites phytosanitaires… la liste est tellement longue. Et tous ceux qui s’en donnent la peine peuvent faire facilement cet inventaire.
Finalement, comme pour les poisons que notre bonne société nous force à ingurgiter, chaque problème est analysé spécifiquement, alors que l’effet cumulatif de ces maux associés est détonant. Par exemple, les soleillistes avancent que le réchauffement est bon car il correspond à plus d’eau, plus de CO2 et donc plus de verdure, contrairement au froid synonyme de sécheresse14. Mais le réchauffement actuel est associé à un problème récurrent d’eau douce lié à l’irrigation, à la déforestation et aux surpâturages. S’ensuivent une salinisation des sols, une désertification galopante et une pénurie d’eau douce qui bouleversent les standards connus. De plus, les forêts vierges sont progressivement remplacées par des immenses champs de cultures OGM de soja, palmes et cannes à sucre destinés à la fourniture de carburant vert ou de nourriture pour poulets. Ces espaces, copieusement arrosés de désherbants et de traitements et engrais chimiques, ne pourront jamais plus rivaliser avec le foisonnement de vie qu’offraient les forêts originelles.
L’influence de l’homme sur l’environnement ne se limite donc guère à l’émission de CO2. Les gaz émis par l’industrie, le transport, le chauffage, l’agriculture, viennent s’y ajouter, ainsi que les aérosols (poussières ou brumes chimiques), les polluants se mêlant à l’eau, chimiques, métalliques, radioactifs etc., les pollutions dues aux guerres et aux armes modernes, à leurs cibles (usines, centrales de production énergétique, stocks de pétrole…) et ainsi de suite.
Peut-on correctement mesurer les effets additionnels de tous les rejets de l’activité humaine, en prédire les feedbacks (rétroactions) connaissant la complexité des systèmes naturels qu’ils perturbent ? La réponse est « non » bien sûr.
La question suivante que l’on peut se poser est : Peut-on agir pour modifier l’empreinte négative de la machine Humanité et, si oui, n’est-il pas trop tard pour cela?
Les soleillistes semblent balayer tout ça d’un revers de la main, et compter sur le progrès et la sainte science pour résoudre à terme tous les problèmes, dont ils nient la gravité de toute façon.
Les écologistes se mobilisent car ils pensent qu’il n’est pas trop tard pour agir et renverser la vapeur.
Pour ma part, je pense qu’on n’arrêtera pas l’Humanité. On ne la déviera même pas.
L’iceberg est sa destination, son but ultime. Détruire pour transformer à sa convenance est le moyen employé et ce n’est pas à 3 mètres du mur qu’on arrête le camion lancé à une si grande vitesse.
Copenhague est un fiasco : je le savais avant que ça commence. Vous y croyez encore ?
Affaire à suivre…




1.Voir l’article « Bêtes et méchants ».
2.Le documentaire de base est visible sur dailymotion en quatre parties (1, 2, 3 & 4)
3.On peut la voir sur dailymotion, depuis le blog de l’intéressé.
4.Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, en anglais IPCC pour Intergovernmental Panel on Climate Change).
5.Climate Research Unit (Département de Recherche sur le Climat)
6.Voir l’article de Marianne2, cité dans l’article sur le sujet paru sur Wikipédia.
7.Les trolls sont ces individus qui profitent de l’anonymat que procure internet pour insulter tranquillement ceux qui ne pensent pas comme eux. Ils envahissent les espaces d’expression et se comportent de façon péremptoire et grossière. Regroupés, ils donnent l’impression de canidés en meutes. Sur les pages traitant du changement climatique, j’en ai vu énormément, des deux camps, et qui s’affrontaient à coups de copier-coller d’articles écrits par des personnes apparemment compétentes, le tout sur fond de mépris et d’animosité pas du tout contenue.
8.En voici quelques unes que j’ai retenues : le site RealClimate, et notamment deux articles (1 & 2) pourfendeurs d’Allègre & Courtillot.
Un communiqué paru sur Wikipédia, et faisant état d’un quasi consensus des scientifiques experts en science du climat.
Un article de Libération.fr assez documenté, qui décrédibilise la démarche dite climato-sceptique et dévoile quelques falsifications de ce camp.
Deux pages (1 & 2) d’un blog assez bien documenté : Iceblog, rédigé par Ice, apparemment très compétent en climatologie (autodidacte, étudiant ou professionnel dans cette matière ?...). Vincent Courtillot en prend pour son grade.
Un article publié par l’académie des sciences belge en 2004 et concluant après des comparaisons entre relevés et simulations à une impossibilité d’écarter le rôle de l’homme dans le réchauffement actuel.
9.Idem, mais avec les contradicteurs : le site pensée unique qui se propose d’informer, puis de briefer les profanes afin de constituer une armée d’intervenants sur la blogosphère et de contrer l’omerta à laquelle ils font face. Site très fourni en contre-arguments et rédigé par des scientifiques réfractaires.
Un blog anti GIEC, nommé « changement climatique », connu aussi sous le nom « skyfal ».
Le blog de David C, s’il donne parfois l’impression d’être circonspect, est assez résolument sceptique sur la version du GIEC d’un réchauffement d’origine anthropique. Bien documenté et intéressant.
Objectif liberté : un blog qui s’est petit à petit fortement dédié à la question du réchauffement climatique et qui se pose en sceptique. Recèle une grande quantité d’articles sur toutes les facettes du problème.
Le cercle Zététique : une page web composée par un sceptique, et retraçant à l’aide de divers diagrammes la polémique GIEC-antiGIEC, pour démontrer, bien sûr, l’arnaque du groupement mandaté par l’ONU.
10.Dont une page de Wikipédia consacrée à la controverse. Bien rédigée et documentée, elle présente une synthèse correcte et assez impartiale (on remarquera légèrement que son auteur penche pour l’origine anthropique du réchauffement).
11.Pages déjà citées controverses… et opinion scientifique…
12.Source (en anglais, mais le diagramme exposant le résultat est très clair)
13.Pour les courbes de températures, on en trouvera sur presque toutes les pages traitant du sujet. Notamment au bas de l’article sur le CO2 du blog de David C. ou sur la page du cercle Zététique ou du site pensée unique. Quant aux courbes sur l’intensité solaire, on trouvera sur wikipédia celle de l’USGS et l’autre sur le site du Max Planck Institut.
14.En prenant notamment l’exemple du réchauffement global de l’Holocène pendant lequel le Sahara était verdoyant, réchauffement où les températures globales étaient montées à un niveau nettement supérieur à ce que nous relevons de nos jours, tandis que les périodes glacières, voyant l’eau stagner sous forme de glace dans l’hémisphère Nord sont synonymes de sècheresse pour le reste du globe.

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vendredi 30 octobre 2009

Le symbolisme des contes

La plupart des histoires et des contes, à l’instar des rêves, regorgent de symboles. Qu’ils y aient été placés sciemment ou non, peu importe. Comme le soulignait un excellent professeur que j’ai eu au collège :
« L’important n’est pas de savoir si l’auteur a voulu mettre cela dans le texte. L’important est que cela y soit. »
Ainsi, selon que l’on prenne l’histoire de façon littérale ou symbolique, on accède à plusieurs grilles de lecture.

Première partie : La véritable histoire des trois petits cochons


Après avoir quitté leur mère qui les a mis en garde contre le loup qui rôde quelque part dans la forêt, ils évoluent dans le vaste monde et arrivent dans une clairière. Les petits cochons sont faibles et désarmés. Le grand méchant loup est fort, armé de crocs aiguisés mus par une mâchoire puissante.
Dès son éveil, notre conscience intègre le caractère éphémère de l’existence, la mort implacable, la brutale loi de la prédation animale dans l’immense chaîne dont nous ne sommes qu’un maillon. Ce concept est abstrait et c’est tout naturellement que lorsque l’enfant entend l’histoire des trois petits cochons et du loup, il visualise la mort sous les traits du grand méchant prédateur. Et c’est aussi naturellement qu’il s’identifie à la chair rose, potelée et faible, même si elle est affublée d’une queue en tire-bouchon. Mais il y a trois petits cochons, et leurs personnalités diffèrent. La différence est mise en évidence par le comportement de chacun des protagonistes.
En effet, l’ombre de la mort plane depuis le début. Le loup est annoncé et bien qu’il soit alors absent, on sait qu’il est quelque part, dans le décor. Bien sûr, une clairière est un espace rassurant : si elle est grande, la lisière des arbres est loin et on peut, en un tour d’horizon, voir si quelque chose arrive. Au milieu de la forêt par contre, chaque tronc peut cacher un danger. Néanmoins, s’il est plus rassurant d’être dans la clairière, cela ne constitue nullement une protection contre le loup. La première action des trois petits cochons consiste donc à se construire une maison, autrement dit un abri, une protection. Et c’est alors que les comportements commencent à diverger :
Le premier bâtit une maison en paille. Or la paille est l’élément que l’on trouve sur place, en se baissant. Il s’agit des tiges séchées des grandes herbes de la clairière. Le choix de ce matériau révèle une personnalité étrange, composée d’une part de fainéantise et d’inconscience vis-à-vis du danger. Mais on peut facilement concevoir que le petit cochon coupant l’herbe dans la clairière éprouve en fait une peur panique de retourner dans la forêt pour y quérir d’autres matériaux.
La peur est une émotion. Elle permet la conservation de l’individu, et est graduée pour faire face à toutes les situations. En sourdine, elle est l’inquiétude et provoque la vigilance d’un animal. Elle lui permet d’être sur ses gardes et d’éviter d’être surpris par un danger. Lorsque le danger devient effectif, la peur s’accélère exponentiellement et devient panique. Elle s’accompagne d’un déversement d’adrénaline (ou de noradrénaline) dans le sang, dopant toutes les fonctions corporelles nécessaires pour fuir ou au contraire faire face à la situation. Si l’accélération de la peur n’atteint pas une limite, elle a pour effet de paralyser le sujet terrorisé. La panique est donc une expression naturelle de la peur, mais lorsqu’elle apparait en l’absence de stimulus réel, elle confine à la folie. Afin de conjurer un tel état de démence provoquée par la frayeur, le plus court chemin consiste à tourner le dos à la peur. C’est l’attitude de l’autruche : en se coupant de la perception du monde, elle se coupe de l’objet de sa peur et en stoppe la progression.
De cette manière, la peur panique et l’inconscience du danger, de prime abord contradictoires, peuvent bien coexister dans l’esprit d’un individu.
Le second petit cochon bâtit une maison en brindilles et en branchages. Il y a une légère différence avec le premier. Légère car le matériau choisi ne garantit pas davantage contre les assauts du loup. La différence n’est qu’apparente. Cet individu s’oblige à aller chercher des matériaux aux abords de la forêt. S’il n’a guère plus de courage que son congénère et n’ose quitter la clairière, il a tout de même le souci de paraître moins peureux. Car le comportement du premier petit cochon constitue un aveu de lâcheté. Il pourrait tout à fait s’agir d’une fille, pour laquelle le courage n’est nullement requis, et qui peut sans honte afficher faiblesse et lâcheté. Le second, quant à lui, pourrait être ce petit garçon bravache, honteux de sa peur et masquant sa lâcheté par une attitude faussement courageuse. Le but de son action est donc essentiellement de donner le change et se limite au minimum syndical : il s’approche suffisamment de la forêt pour que le premier cochon le pense hardi, mais il ne retourne pas à l’intérieur.
Le troisième petit cochon bâtit une maison en briques. Je me réfère pour mon analyse à la version originale du conte, et non aux versions édulcorées qui ont vu le jour par la suite. Les premières traces écrites remontant au XVIIème siècle, il n’est pas absurde de supposer qu’elles reposent sur une tradition orale qui leur sont bien antérieures, et que les briques ont elles-mêmes remplacé la pierre. Quoi qu’il en soit, le matériau choisi implique plusieurs choses.
Tout d’abord la conscience vive du danger représenté par le loup et de la nécessité de s’en prémunir. Cette conscience du danger, si elle ne peut qu’engendrer la peur, se mue dans l’esprit de ce petit cochon non pas en panique mais en courage. Car le courage n’existe pas sans la peur. Le courage est la capacité de surmonter sa peur, de façon à agir efficacement contre ce qui la provoque.
Et c’est bien ce dont a fait preuve le troisième petit cochon, tout d’abord en regardant la réalité angoissante en face et en décidant d’anticiper le moment redouté. Ensuite, nous devons bien penser que les éléments permettant l’édification de sa bâtisse (briques ou pierres, mortier, tuiles, etc.) ne se trouvaient pas à proximité. Il lui a donc fallu sortir de la rassurante clairière et parcourir un monde dangereux, avec la conscience de ce danger, afin de les réunir.
Le second point qu’implique le choix de la maison de pierre est la difficulté d’exécution.
Premièrement à cause de la connaissance qu’il nécessite, tant au niveau du prédateur, puisque l’édifice est sensé lui résister, qu’au niveau du chantier et des métiers qu’il présuppose.
Deuxièmement – et c’est sur ce point que s’accordent habituellement les analyses de ce conte – à cause de l’effort et du temps qu’il demande pour la construction proprement dite.
En effet, les deux premiers petits cochons, après avoir bâclé le travail, passent leur temps à s’amuser et se moquent de celui qui utilise tout son temps à finir son labeur. La morale basique qui est accolée à cette histoire fait l’éloge du labeur, dénonce la paresse et la légèreté, qui entraine les inconscients sur le sentier de la perdition. Car dans la version originale, les deux premiers cochons sont dévorés par le loup, ce qui est logique. Le psychologue y voit, plus finement, la tendance vers le plaisir opposée au sens de la réalité. Il en dégage un processus évolutif de l’enfant du jeu vers la responsabilité au travers des différentes étapes personnifiées par les trois petits cochons. Le loup représente quant à lui les malignités de l’inconscient qui menacent l’équilibre mental.
Ma grille de lecture est différente car elle intègre la peur et en fait le pivot central de la psychologie des personnages, ou tout au moins l’élément déterminant dans le choix des petits cochons. De fait, c’est celui qui chasse de l’esprit des deux premiers la conscience du loup. Tout le reste en découle. Certes, le travail long et fastidieux nécessaire à la construction est un aspect important, mais qui à mon sens est purement inutile s’il n’est pas précédé de l’acquisition de la connaissance, comme je l’ai déjà signalé. Car, que les deux petits cochons s’amusent ou travaillent à tout autre chose qu’à leur protection contre le loup revient au même en l’occurrence.
La nécessité de la lucidité alliée au courage est d’ailleurs attestée par la suite du conte : après avoir avalé les deux inconscients et constatant ensuite que la troisième maison est imprenable, le loup tente d’attraper le dernier petit cochon par la ruse, en se montrant amical et en lui proposant de l’amener d’abord dans un champ de navets, puis chercher des pommes et enfin de l’accompagner au marché. Déjouant toutes les ruses du loup, le petit cochon fait montre d’esprit stratégique. À la fin, le loup se laisse emporter par l’émotion et, furieux, tente de passer par la cheminée et finit, comme chacun sait, ébouillanté dans une marmite. Dans la version originale, le petit cochon mange le loup.
Ce conte transmet symboliquement à l’enfant la façon correcte de se comporter pour faire face au monde impitoyable dans lequel il est né : résister à la peur, cette puissante émotion, est indispensable pour s’en sortir favorablement. Le courage d’être lucide est la condition sine qua none des choix bien dirigés qui feront la différence en face du loup. Cette qualité est le départ d’une chaîne de vertus à acquérir pour venir à bout d’une épreuve à première vue insurmontable.
Certes, le travail n’est pas exempt de ma grille de lecture, mais il doit être ciblé correctement pour être efficace. Le métier d’une personne est-il ce travail efficace contre le loup ? N’y a-t-il pas pire fainéantise que l’exemple de ces gens qui, une fois leur travail professionnel terminé, ne consacre leur temps qu’à jouer, regarder la télévision, boire, fumer, papoter etc. Quant à ceux qui le consacrent à effectuer un travail sans rapport avec le loup, ne perdent-ils pas également un temps précieux ? Pour reprendre l’expression du psychologue, qui a vraiment le sens des réalités ?
Ce conte me rappelle certaines paraboles de Jésus. La solitude du troisième petit cochon:

« Il y en a beaucoup qui se tiennent devant la porte,
Mais ce sont les solitaires qui entreront dans le lieu du mariage.»1

La nécessité d’anticiper le danger :

« Heureux l’homme qui sait en quel point les pillards pénètrent
Si bien qu’il se dressera, rassemblera sa force
Et prendra déjà appui sur ses reins
Avant qu’ils ne s’introduisent.»2


À propos du petit cochon qui mange le loup, cette parabole que je n’ai pas totalement comprise :

« Heureux est le lion que l’homme mangera,
Et le lion deviendra homme.
Et souillé est l’homme que le lion mangera,
Et le lion deviendra homme.»3





1. L’évangile selon Thomas (§76)
2. L’évangile selon Thomas (§103)
3. L’évangile selon Thomas (§7)



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Deuxième partie : Histoire occulte du petit chaperon rouge



L’ambiance de ce conte est assez particulière, enfin à mon goût. Remontant à la nuit des temps (les versions les plus anciennes connues remontent aux XIème siècle), la première version publiée du conte est celle de Charles Perrault écrite à la fin du XVIIème siècle. C’est essentiellement sous la forme que celui-ci lui donna que l’on connait ce conte aujourd’hui, édulcoré toutefois par la fin des frères Grimm, qui firent intervenir un chasseur pour extraire le petit chaperon rouge et sa mère-grand du ventre du loup.
Les interprétations de ce conte vont de la mise en garde des jeunes filles contre les prédateurs sexuels (explicite chez Perrault1) à l’analyse psychanalytique de Bettelheim2 qui y voit le passage d’une fille devenant femme.
Je vais encore une fois faire preuve d’originalité en trouvant pour ce conte millénaire une grille de lecture différente, y plaçant un élément d’explication relevant d’un domaine de nos jours décrié (tel la rondeur de la terre par l’Église à l’époque de Galilée), mais qui était alors considéré comme naturel : la magie.
Ha, magie !... Ô lecteur, si tu es un de ces indécrottables incrédules qui refusent même d’enquêter sur le sujet tant leur conviction est forte que tout ce qui s’accole à ces mots est pour eux synonyme de naïveté, escroquerie, charlatanisme, perte de temps etc., si tu es un de ces matérialistes fervents, alors sache que mon propos ne vise ni à te convaincre, ni à t’irriter. Cet article risque hélas de le faire (t’irriter) et de te faire par suite pester contre son auteur. Donc, te voici averti si tu persistes au-delà de ces lignes car ce n’est pas à toi qu’elles s’adressent, mais à ceux qui sont au moins ouverts à toutes les possibilités, à défaut d’avoir une opinion étayée sur ce domaine.
Je considèrerai comme authentiques certains éléments de la version moderne du conte qui, bien que ne figurant pas dans celle de Charles Perrault, collent bien avec la vision ésotérique. Ainsi, la mise en garde de la mère envoyant le petit chaperon rouge porter la galette et le petit pot de beurre à sa mère-grand souffrante : rester sur le chemin, ne jamais le quitter…
Ce chemin qu’il ne faut quitter pour rien au monde est le symbole classique de la voie vertueuse prônée par les religions et philosophies du monde entier. Il est ce code moral que l’on peut décider de développer et de suivre, ou de déserter pour les besoins d’une cause.
Ce chemin traverse bien sûr une forêt, lieu sombre et touffu où vit le loup, ce grand méchant prédateur que, je l’admets, on peut imaginer là représentant un homme mal intentionné vis-à-vis d’une jeune et naïve damoiselle. Néanmoins, je préfère y voir pour ma part le même symbole fatal que dans l’histoire des trois petits cochons. Ainsi, son but est identique : la mort du petit chaperon rouge.
Lorsque la fillette le rencontre dans le bois, Charles Perrault, suivi des frères Grimm, nous dit qu’elle ignorait que le loup fût dangereux. Je pense que, à l’instar des deux premiers cochons, elle voulait l’ignorer. Car, quand on rencontre quelqu’un de dangereux, un sixième sens nous alerte. Si le loup se comporte avec amabilité, il nous est alors loisible de penser que celui-ci n’est pas méchant, que nous sommes dans ses petits papiers, que tout va bien, qu’il nous a à la bonne. Mais au fond, nous savons de quel côté penche le rapport de force, et qu’il suffirait d’un mot de trop pour déclencher son agacement, qui pourrait devenir courroux, et pour voir notre bon ami se transformer en tyran implacable. On a donc tendance à lâcher du lest et à éviter de le contrarier. C’est bien ce que fait le petit chaperon rouge en discutant avec le loup et en lui indiquant nonchalamment tout ce qu’il désire savoir : ce qu’elle fait, où elle va.
Le seul point qui est étrange à ce stade du récit est : pourquoi le loup ne la tue-t-il pas à ce moment-là ? Connaissant sa voracité légendaire, quelque chose de terriblement puissant l’en empêche. Le conte nous parle de « quelques bûcherons qui étaient dans la forêt », assurément pas assez pour éviter le meurtre ! D’une part car le loup ayant approché l’enfant pouvait l’égorger en quelques secondes dans un parfait silence. D’autre part car le loup est davantage connu pour ses pulsions irraisonnées que pour sa maîtrise et sa capacité de calcul, qualités plutôt dévolues au renard dans la symbolique moyenâgeuse d’où est issue cette histoire. Or ce loup-ci, de même que pour le troisième petit cochon, est contraint d’utiliser la ruse. Dans le cas du petit cochon, la raison en était claire : l’attaque de front était impossible à cause de la protection efficace de ses murs. Pour le petit chaperon rouge, la raison n’est pas aussi évidente, et c’est là que je vois une protection, tout aussi efficace, mais invisible : quelque chose du ressort de l’énergie, de l’esprit. Mon explication n’a rien d’une certitude, je tiens à le préciser. Disons que mes connaissances en la matière (si j’ose dire ;) me permettent de formuler une hypothèse plausible : en fait, si le loup ne mange pas l’enfant lors de la première rencontre, c’est parce qu’elle est restée sur le sentier, et qu’une loi, magique ou divine, comme on voudra, la protège et repousse la mort. Est-ce à dire qu’une puissance occulte interfère avec nos vies ? Si cela n’est plus dans l’air du temps, nos ancêtres, à l’époque médiévale mais aussi dans l’antiquité et sans doute même bien avant, pensaient exactement comme ça. Il n’est donc pas absurde, je crois, d’analyser le déroulement de l’histoire en suivant cette piste.
Cette thèse repose intégralement sur le fait que l’univers a été créé, qu’il existe donc un Créateur, et que sa création a un sens, une raison d’être3. D’après toutes les religions, le sens de notre vie aurait une connotation spirituelle : notre esprit, tenté par des démons liés aux vicissitudes terrestres et à notre nature animale, devrait se conformer à une éthique stricte pour, en quelque sorte, rester fidèle à l’intention du Créateur. Cette attitude, symbolisée par le sentier lumineux au milieu du bois ténébreux, amène ceux qui l’adoptent sans faille à un retour triomphal vers le Grand Esprit. Or, tout ceci n’a de sens que si la vie ne fauche pas bêtement un esprit progressant sur ce chemin. C’est là que s’impose la magie : les personnes qui avancent en adéquation avec l’intention créatrice doivent être protégées. Une puissance que l’on n’a jamais pu mesurer – énergétique, spirituelle – doit exister et, assortie de lois spécifiques, gérer l’univers au même titre que la matière est, d’une façon que l’on peux mesurer, assujettie aux lois de la physique et de la chimie.
Et c’est cette puissance qui retient le loup, à mon avis, et l’empêche de se ruer vers le petit chaperon rouge pour la dévorer. Le seul moyen pour le loup de parvenir à ses fins est donc de lever la protection, et pour cela de pousser le petit chaperon rouge à la faute. Sa stratégie va être basée sur la tromperie.
Il se fait donc passer pour amical, extorque les détails concernant la destination de la fillette et du but de sa visite, puis propose une compétition de vitesse pour se rendre chez la mère-grand.
À partir de là, le petit chaperon rouge va se comporter comme si elle n’avait aucun souvenir de cette rencontre, comme si elle l’avait vécue sous hypnose. Et tandis que le loup, en parfait Terminator, ne vit que pour sa mission, le petit chaperon rouge, à la manière des deux premiers petits cochons, se divertit pendant le reste de son trajet : papillons, fleurs, tout est bon pour capter son attention, jouer en chemin, et laisser au loup le temps d’accomplir ses funestes desseins.
Ce faisant, l’enfant commence à accumuler les fautes, et par suite perdre sa protection… Car, nous l’avons vu dans l’affaire des petits cochons, ne pas se préoccuper du loup et perdre son temps en amusement est une faute sérieuse qui entraine celui qui la commet vers une issue fatale.
Lorsque la fillette arrive enfin à la première maison du village :
« Tire la chevillette et la bobinette cherra » et la voici face au loup ayant pris l’apparence de la mère-grand. Dans une des plus anciennes versions orales connues4, le loup ayant dévoré la vieille femme, en avait gardé quelques morceaux et enjoignit le petit chaperon rouge à en manger. Les analyses de cette version font état de cannibalisme, sans trop proposer d’explication convaincante, mais j’y vois encore une manœuvre du loup pour faire consommer le crime à la petite fille. Celle-ci, s’exécutant, devient un peu complice et s’enfonce davantage dans la faute.
La dernière partie du récit est surréaliste : le petit chaperon rouge ne s’aperçoit pas que ce n’est pas sa grand-mère qui se tient dans le lit où elle l’a invitée à la rejoindre. Enfin, elle ne perçoit les indices qu’un à un, les livrant au loup au fur et à mesure : « Que vous avez… de grandes dents ! »
Dans la version de Perrault, pas de chasseur venant au secours des dévorées. Le conte, destiné aux petits enfants, ayant du engendrer sous cette forme effroi et cauchemars, les mères et nourrices lui ont adjoint une issue heureuse, comme pour les trois petits cochons. La version implacable est toutefois plus cohérente.
« C’est pour mieux te manger ! » Le loup, après un long cérémonial, se jette sur le chaperon rouge et la mange. Encore une fois, toute cette mise en scène semble bien improbable de la part du loup, dont nous avons décrit plus haut le caractère. Il semble donc bien que jusqu’à la fin, la fillette ait bénéficié de la protection magique, obligeant le loup à la tromper et à la faire venir d’elle-même jusque dans sa gueule. Ainsi, l’histoire du petit chaperon rouge se résume-t-elle à ça. Si l’enfant a été dévorée, c’est parce qu’elle s’est jetée dans la gueule du loup. Sans ça, il ne pouvait pas la toucher.
Autrement dit, la peur, la timidité, la naïveté, l’inconséquence sont des faiblesses bien plus graves qu’il n’y paraît, puisqu’une fois envolées l’innocence et la vertu originelle, ces défauts auront été responsables d’une carence mortelle. C’est leur somme qui scelle le destin du petit chaperon rouge. Vivant comme dans un doux rêve, repliée dans sa candeur, elle ne se doute pas un seul instant du drame qui se joue et dont elle est l’actrice principale. Refusant de considérer la violence et la prédation, elle n’imagine donc pas qu’elle puisse bénéficier d’une protection, et elle ne pense pas non plus à la possibilité d’une quête par-delà le combat contre la mort et ses sbires.
Cette âme s’est laissée enivrer et mène sa vie dans un état second. Elle meurt sans avoir jamais eu conscience de l’épreuve qu’elle devait passer, de la véritable mission qui lui était confiée.





1. Voir son texte sur Wikipédia
2. Psychanalyse des contes de fées – Bruno Bettelheim paru chez Robert Laffont et chez Pocket
3. J’ai déjà développé ce thème dans mon livre. On peut trouver dans une page de mon site l’extrait correspondant.
4. Voir la page de Wikipédia consacrée au petit chaperon rouge.



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Troisième partie : Le roi Lion


Voici un conte moderne, qui se déroule sur la terre ancestrale de l’espèce humaine, l’endroit où a commencé son aventure : la savane africaine. Bien qu’il ait été entièrement écrit pour le cinéma d’animation, il n’en reste pas moins un conte et recèle un symbolisme intéressant.
Certains y trouvent l’influence indéniable d’Hamlet de William Shakespeare1. Sans nier cette influence, je relève quant à moi des divergences par rapport à cette pièce mythique, et une somme de symboles supplémentaires qui en font une œuvre à part.
Dans un premier temps, bien sûr, le roi lion est une histoire d’animaux, où les personnages sont fidèles à l’espèce dans laquelle ils sont incarnés. S’ils peuvent représenter des êtres humains, ce n’est que par la psychologie, l’expression orale et le parallèle social, car dans ce conte les animaux se comportent comme tels, et n’exécutent pas d’actions humaines (comme les petits cochons qui construisent une maison, par exemple). Il s’agit bien là du talent de Walt Disney qui, à l’instar de Jean de la Fontaine, soit humanise les animaux pour ne conserver de la bête qu’un caractère grossier dans les personnages, soit utilise une scène de la vie animale qui, par sa similarité frappante, symbolise à merveille certains comportements humains. Enfin, ce sont plutôt des studios Disney dont je parle en l’occurrence, leur fondateur étant décédé. Petit clin d’œil historique ? Si Walt a été conspué pour ses possibles sympathies pro-nazies (sans doute s’agit-il de méchantes calomnies), ses studios, dans le roi lion, font défiler les hyènes au pas de l’oie devant Scar, le tyran félon, dans une évidente parade hitlérienne.
Le lionceau, Simba, fils du roi lion Mufasa, est destiné à régner un jour, et est éduqué à cette fin par son père dès son plus jeune âge. Mais le frère du roi, Scar, indigne du trône, est rongé par la jalousie et gagné au côté obscur. Il utilise la fourberie, la méchanceté et l’alliance avec les hyènes pour élaborer une perfide stratégie afin d’assassiner son frère et le jeune successeur.
Le thème des frères ennemis, du fratricide, est un thème récurrent qui remonte à la plus haute antiquité. On le retrouve dans les tablettes sumériennes (les plus anciennes traces d’écriture), dans la bible avec Caïn et Abel2 et dans toutes les mythologies, ou dans l’histoire avec Romulus et Remus, et les intrigues et les meurtres jalonnant les successions de rois et d’empereurs tout autour de la terre.
Le lion administre un territoire dans la savane appelé la terre des lions. Toutes les espèces y vivent en harmonie, dans un ordre dont il est le garant. Le père explique à son fils le cycle vertueux de la vie : les carnivores, à leur mort, seront transformés en herbe, que mangent les herbivores. Aucune vie n’est insignifiante, toutes participent à ce cycle gigantesque qui dépasse le monarque qui n’en est lui-même qu’un serviteur, et qui doit s’effacer devant sa tâche, son devoir.
Les principaux acteurs de l’intrigue sont des lions et des hyènes. Tous les autres animaux présents ne jouent que des rôles subalternes.
La symbolique attachée à ces deux grands prédateurs n’est pas forcément fidèle à la réalité, mais s’en rapproche beaucoup. Il est toutefois indubitable que la façon dont ils sont perçus est sur certains points quelque peu discutable. Le problème est le même avec la symbolique moyenâgeuse du renard et du loup, qui est certes proche de la réalité, mais comporte des erreurs quant à la nature et aux caractères de ces deux chasseurs.
Le lion est le symbole de la bravoure, de la noblesse, de la puissance et de la grâce naturelles.
La hyène est par contre perçue comme poltronne, peut-être car elle ne s’attaque pas seule à de plus grands mammifères qu’elle. Bien que la force de ses mâchoires en fasse un animal redoutable, elle ne fait guère le poids devant le corps puissamment musclé d’un lion. Son arrière-train rabaissé, son cri caricatural et sa face grossière font d’elle un animal disgracieux et achèvent de placer la hyène symboliquement à l’opposé du lion.
Pour tous ceux qui ont lu les œuvres de Henri de Monfreid, la hyène est aussi l’animal cruel par excellence, celui qui dévore ses victimes vivantes, et qui ne répugne d’autant moins à les faire souffrir qu’il ne s’est senti frustré ou humilié par ces dernières.
J’ai vu il y a quelques années à la télévision un reportage animalier où une zoologue spécialiste de ces animaux avait suivi une meute pendant des mois. Les rapports des hyènes en société ressemblaient bien à ceux des loups sous plusieurs angles, mais la cruauté de la dominante envers ces rivales – et une en particulier, qui avait pourtant un comportement soumis – m’avait choqué. Elle avait tué ses petits et monté la meute contre elle.
J’avais vu que lors de l’accouchement, le premier petit qui sort a déjà ses dents et que son premier acte consiste à tuer le second. Le troisième, à peine sorti, lui donne un coup de main. Le combat pour la survie impose cette sélection à la fratrie qui se livre ensuite, une fois le nombre de petits réduit, une guerre impitoyable pour l’accès aux mamelles maternelles. Le plus imposant s’accapare le maximum de lait, et une hiérarchie s’établit d’emblée, car le départ est primordial : celui qui est le plus méchant se nourrit plus, grossit plus, et maintient ainsi sa domination sur les autres.
Les hyènes femelles sont plus grandes que les mâles, qu’elles tyrannisent. Leur société est de type matriarcal. La dominante d’une meute fait constamment le tour de ses subordonnées pour exiger des signes de soumission. Cette activité peut sembler obsessionnelle tant elle est répétée.
Comme pour les humains, les hyènes suivantes dans la hiérarchie guettent l’instant de faiblesse, la blessure de la meneuse, la patte tordue ou la maladie. On imagine alors, connaissant la cruauté de leur monde, la curée qui accompagne la passation de pouvoir, la bataille pour la prise de ce pouvoir entre les deux ou trois plus fortes, puis l’angoisse de la vainqueure3 de voir monter des velléités de rébellion et de subir semblable sort, la poussant à son tour à exercer une tyrannie oppressante et sans merci.
En fait, je me souviens qu’en visionnant ce documentaire, j’avais fait un parallèle troublant entre l’être humain et la hyène4. Toutes les histoires tordues des mythologies grecque ou romaine (mais aussi sumérienne, assyrienne, égyptienne etc.) se reflètent parfaitement dans le comportement d’une meute de hyènes. Il en va de même pour les cours des empereurs et rois de l’antiquité jusqu’à nos jours.
Ainsi nous avons dans le roi lion d’une part la symbolique chevaleresque : force, courage, justice, éthique et sens aigu de la responsabilité vis-à-vis de ses sujets. D’autre part, associée au félon, la brute cruelle et égocentrique, mue par ses instincts vils, et rivalisant par la multitude qu’elle représente. Elle est comme une milice, une armée de mercenaires que le frère jaloux va utiliser pour assassiner le roi et son fils.
Attaquer de front le roi lion et le groupe de lionnes est impossible. Scar va donc imaginer une stratégie visant le point faible du lion : son fils. Le lionceau est naïf et faible. De plus, inconscient du danger et impatient de faire ses preuves, il peut prendre des risques inconsidérés. Le plan de Scar est assez génial somme toute : placer Simba comme appât dans un piège mortel, puis appeler Mufasa à la rescousse et observer ce dernier se jeter dans le guêpier. Comme il réussit à mettre son fils à l’abri et tente de s’en sortir, Scar le pousse dans le vide puis, culpabilisant Simba, lui enjoint de s’enfuir et envoie les hyènes le tuer loin des regards. Heureusement, le petit lion parvient à leur échapper et à s’enfuir par-delà le désert. Le traitre n’a plus qu’à apparaître au milieu des lionnes et donner sa version de l’histoire pour prendre le trône qui désormais lui revient, faute de prétendants.
L’armée des hyènes l’accompagne. Il les impose sur la terre des lions, et leur voracité et leur nombre bouleverse le cycle de la vie et finit par avoir raison de l’équilibre écologique.
Simba, quant à lui, ayant grandi dans la forêt au-delà du désert avec deux amis insouciants, retrouve Nala, son amie d’enfance qui s’est aventurée jusque-là pour trouver à manger. Elle lui demande de revenir, ce qu’il refuse tout d’abord. Puis, une apparition du spectre de son père le convainc. Mufasa lui parle et insiste bien sur cette phrase : « Souviens-toi qui tu es ! »
Simba, qui avait tout oublié avant de revoir Nala, prend conscience de sa responsabilité, du sens de sa vie, et retourne sur la terre des lions reprendre sa place.
Après quelques années d’exploitation par les hyènes, la savane est dévastée, transformée en désert rocailleux, desséché : c’est une terre morte à l’arrivée de Simba.
Cet état des lieux, logiquement lié à la voracité des hyènes, à leur cruauté et à leur manque d’intelligence, ressemble bien à celui que font aujourd’hui Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand et autres en ce qui concerne la tragique évolution de la planète après quelques millénaires de domination humaine.
L’être humain, qui devait selon la bible dominer et assujettir la nature et toutes ses espèces, ne serait-il pas tel Scar et son armée de hyènes, une espèce félonne et vile, dont la voracité n’a d’égale que son immense cruauté ? Il me semble évident que si le conte du roi lion retrace, comme Hamlet, une histoire d’usurpation de trône, elle est aussi une modélisation de la prise de pouvoir de l’espèce humaine, et de l’exploitation qu’elle a fait de la nature.
Bien entendu, ce n’est pas de l’intérieur de la meute que vient la solution : pas de prise de conscience, de remords, de mesures prises pour remédier à la situation. Le mal n’a pas d’intelligence et ne connait que la marche avant. D’ailleurs, cette situation est bien son objectif, donc ses artisans n’ont aucune raison de s’arrêter en si bon chemin…
C’est Simba qui découvre la culpabilité de Scar et confond ce dernier devant les lionnes qui se joignent alors au roi lion pour combattre et expulser les hyènes de la terre des lions. Le félon sera exécuté par ses ex-alliées, la savane revivra bien vite et les troupeaux opulents reviendront la peupler.
Fin heureuse, comme il se doit. À mon avis inapplicable à la terre engagée dans un processus fatal pour la vie. Mais allez savoir… Peut-être une fois les hyènes humaines disparues, une étincelle de vie permettra-t-elle à la nature de se régénérer.
Mais l’interprétation de ce conte serait à mon avis incomplète si l’on n’y incluait pas une autre dimension, à laquelle les lecteurs et lectrices de ce blog doivent être maintenant coutumiers : la dimension métaphysique, spirituelle. En effet, l’appel du père défunt : « Souviens-toi qui tu es ! » me fait penser de nouveau aux paroles de Jésus Christ. Il a dit5 :

« Quand vous vous connaitrez, alors vous serez connu du Père-le-Vivant
Et vous saurez que vous êtes ses fils ;
Mais s’il vous arrive de ne pas vous connaître, alors vous êtes dans la pauvreté
Et c’est vous la pauvreté. »

Car à l’instar de Simba adolescent, nous avons tous oublié qui nous sommes. Bon, la question semble ne pas se poser pour les agnostiques et athées pour qui l’esprit est une aberration, en tout cas une conséquence de phénomènes physico-chimiques qui ont lieu dans la chair des êtres vivants. Mais pour tous les autres, ceux qui pensent que leur vie a un sens, alors il faut bien se rendre à l’évidence : nous sommes plongés dans une profonde amnésie en ce qui concerne le sens de la vie, et tout ce qui est antérieur à notre naissance.
L’injonction du père de Simba de se souvenir pourrait fort bien être celle de celui que Jésus appelle le Père, et qui nous commanderait de rechercher cette information essentielle : qui sommes-nous, d’où venons-nous, pourquoi sommes-nous venus ici ? Les hommes vrais, peuplade aborigène d’Australie, ont des réponses très pertinentes à ces questions6. Pour nous, hommes et femmes civilisés, rien de tout cela ne nous a été correctement révélé. Nous devrions donc faire notre propre enquête, et chercher nos réponses nous-mêmes. À condition, évidemment, d’en ressentir le besoin…
Finalement, en poursuivant l’analyse dans ce sens, on peut voir dans le roi lion une allégorie spirituelle, un genre de parabole, où toute l’histoire se déroule en nous, dans notre esprit en proie aux mauvais penchants suggérés par le monde dans lequel nous vivons. Un combat y a peut-être lieu, entre l’être noble qui devrait gouverner et la myriade de pensées mesquines, jalouses, cruelles qui bien souvent nous poussent à agir.
La fin heureuse de l’histoire prend alors tout son sens, et nous encourage à mener ce combat sans répit jusqu’à son terme. Pour illustrer cela, voici d’autres paroles de Jésus Christ :

« Les disciples lui dirent :
Dis-nous : comment sera notre fin ?
Jésus dit :
Avez-vous donc dévoilé le commencement,
Pour que vous vous préoccupiez de la fin ?
Car là où est le commencement, là sera la fin.
Heureux celui qui se tiendra dans le commencement,
Et il connaîtra la fin, et il ne goûtera pas de la mort.7 »

« Celui qui cherche
ne doit pas cesser de chercher
Jusqu’à ce qu’il trouve,
Et quand il trouvera il sera stupéfié
Et, étant stupéfié, il sera émerveillé,
Et il règnera sur le Tout.8 »

Et, autrement dit par Lao Tseu:

« Plein du seul vide
Ancré ferme dans le silence
La multiplicité des êtres surgit
Tandis que je contemple leurs mutations.

La multiplicité des êtres
Fait retour à sa racine.
Revenir à sa racine
C'est atteindre le silence.
Le silence permet de trouver son destin.
Retrouver son destin renoue avec le ferme.
Renouer avec le ferme amène l'éveil.
Ne pas connaître l'éveil
Conduit à la confusion.

Connaître l'éveil
Ouvre à l'impartial.
L'impartial s'ouvre au royal.
Le royal s'ouvre sur l'éternel.
L'éternel coïncide avec le tao.
Qui fait un avec la voie du tao
Rien ne peut l'atteindre
Même la mort.9 »


De quoi méditer, en attendant mieux…





1. Voir la page consacrée au roi lion sur Wikipédia.
2. Histoire très symbolique qui permet, en la recoupant avec d’autres éléments, de dénouer le mystère de l’origine humaine. Ce thème sera développé dans 2020-2030 chroniques de la survie ordinaire – tome 2.
3. Vainqueur est un nom ou un adjectif employés exclusivement au masculin. Je m’y refuse et crée la forme féminine.
4. Ce thème sera également développé dans le tome 2 des chroniques de la survie ordinaire.
5. Évangile selon Thomas – § 3 ligne 9.
6. Voir le livre de Marlo Morgan : Le message des hommes vrais (au monde mutant) – Albin Michel ; ce livre est controversé, mais j’en conseille tout de même la lecture. Chacun pourra se faire son avis, surtout en recoupant les informations avec d’autres ouvrages sur des tèmes similaires.
7. Évangile selon Thomas – § 18.
8. Évangile selon Thomas – § 2.
9. Tao te King - § 16

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jeudi 15 octobre 2009

Clearstream – en clair : eaux troubles

La question est posée sur dailymotion : « derrière l’affaire Clearstream, les frégates de Taïwan?1 »
L’affaire des frégates, on s’en souvient, est une histoire classique d’escroquerie à l’argent public français2 faisant intervenir en France les ministères de la défense et des finances, Thomson CSF (devenu Thalès) et divers intermédiaires endossant à grands frais la crasse des commanditaires de ces passations de marchés truquées, car donnant lieu à de mirifiques commissions et rétro-commissions3. Le nom de l’actuel président était ressorti lors de l’enquête judiciaire car celui-ci, alors ministre des finances, avait avalisé la création d’une société écran au Luxembourg (tiens donc…) servant au transfert de l’argent de commissions illégales4. Une enquête fut initiée, qui piétina longuement – côté français, car l’enquête côté Taïwanais fut rondement menée5 – freinée par le recours systématique des gouvernements successifs au secret-défense, pour finir par un non-lieu témoignant une fois encore de l’impunité des bandits puissants et de l’asservissement de la justice à leur égard.
Or, c’est sur le compost de l’affaire des frégates de Taïwan qu’a germé celle dite « Clearstream », où cette entité, présentée depuis comme une banque par les médias, apparait comme abritant des comptes destinés à recueillir de substantielles commissions. Cette affaire est tellement médiatisée qu’il est tout à fait inutile d’en rappeler les faits. Néanmoins, s’il a été établi que les listings transmis par Imad Lahoud ont été falsifiés, ils n’en sont pas moins avant cette falsification de vrais listings de comptes de cet organisme de compensation financière (clearing) qui s’avère être, outre son activité avouée, une véritable lessiveuse pour argent sale : Clearstream, originairement Cedel.
Ces listings, détenus par un journaliste maintenant célèbre : Denis Robert, font partie d’un pack de pièces à convictions qui mettent en évidence les crimes financiers de cette institution et corroborent les multiples témoignages en faisant état.
Il est vrai que le nom de Clearstream désignant l’affaire « Sarkozy Vs Villepin » est finalement impropre, même sous l’appellation « Clearstream 2 ». Il eût été plus correct de la nommer « Affaire des frégates 2 ». La question posée par Bakchich.tv n’est donc pas absurde, loin de là. Toutefois, ce nom, Clearstream, me suggère tellement l’enquête de Denis Robert, et le funeste sort qui s’est abattu sur lui du simple fait de la rendre publique, que j’ai décidé de lui consacrer cet article.
Denis robert6, journaliste et romancier, après 12 ans passés au journal « Libération », en sort pour mener sa propre vie. Très au fait du monde de la finance, il est approché par des personnes lui livrant des témoignages et des preuves de manipulations mafieuses au sein d’une des deux chambres de compensation européennes. Il fait son travail de journaliste, investiguant pour recouper les informations, interviewant les différents protagonistes, et après avoir creusé suffisamment, il publie un premier livre, « Révélation$ », en février 2001. Suit un film documentaire mettant les principaux points en images7.
Le problème, révélateur à mon sens de la réalité de nos démocraties, est la démesure de la réaction de Clearstream. Certes, l’affaire n’a pu être passée sous silence et a provoqué quelques remous dans un univers financier gêné : la matière du livre (preuves, témoins) est passée au crible par une mission parlementaire française, elle oblige à l’ouverture d’une information judiciaire au Luxembourg, et un fusible saute – le PDG de Clearstream est remercié. La réaction de Clearstream consiste alors en une avalanche de procès intentés à Denis Robert, partout où celui-ci s’exprime (presse, télévision, web etc.).
« 200 visites d’huissiers à son domicile, 30 procédures judiciaires en cours…8 »
Tous les témoins sont victimes d’intimidations, menaces, pressions, puis à leur tour, procédures, perquisitions. L’issue des procès est toujours favorable à Denis Robert (à part une inculpation prononcée à son encontre au Luxembourg sur un point de détail, affaire renvoyée en appel). La justice considère, à l’instar de la commission parlementaire présidée par Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, comme valides les preuves fournies par le journaliste.
On est bien là dans un cas d’étouffement, pratique courante des élites et dont on trouve de multiples exemples dans les livres de Sophie Coignard9. Le but évident de Clearstream, avec la complicité10 du gouvernement Luxembourgeois (qui concentre entre les mêmes mains les finances et la justice !), est de ruiner l’homme qui a osé les défier et d’ainsi faire un exemple. Tactique efficace si on considère le peu de bruit médiatique provoqué par cette atteinte aux droits du journalisme. Il est d’ailleurs ironique qu’un des avocats au service de Clearstream soit celui de Charlie Hebdo, qui ferrailla âprement pour la liberté de la presse lors de l’affaire des caricatures de Mahomet.
Pour résumer les révélations faites par Denis Robert, on peut dire qu’il a exhumé le système institutionnel par lequel l’argent sale disparait aux yeux des enquêteurs du monde entier. Cela se passe dans le prestigieux duché de Luxembourg qui, compte tenu de sa partialité coupable dans la suite des événements, ne peut plus prétendre avoir ignoré quoi que ce soit. On s’aperçoit dans le second film du journaliste11 que les hautes instances bancaires font corps avec Clearstream, ce qui n’est pas bien étonnant si l’on considère que la chambre de compensation est leur bébé.
Car la chambre de compensation est sensée n’être qu’un énorme ordinateur, un nœud dans le réseau informatique des banques du monde entier, et qui effectue à l’aide de logiciels pointus le différentiel des échanges interbancaires.
Ainsi, quand X fait un chèque à Y, la banque BX doit à la banque BY le montant de ce chèque. Mais Y va faire des achats avec sa carte bleue à Z, et donc BY devra le montant de ces achats à BZ. Quant à Z, il va dépenser de l’argent chez un autre client de BX etc.
Les banques n’effectuent pas ces transactions une à une. Elles ont un compte dans une chambre de Compensation (Clearstream ou Euroclean) qui traite une foule de données simultanées et effectue virtuellement les transferts entre banques.
Les irrégularités relevées par Denis Robert sont de deux ordres :

· Alors que seules les banques sont sensées avoir un compte chez Clearstream, il apparait que des sociétés se trouvent hébergées dans cette chambre de transferts virtuels d’argent. Cette information provient de listings authentiques de la firme remis au journaliste par un ancien cadre de Clearstream.
· Des manœuvres opérées grâce aux informaticiens travaillant pour cette société permettent d’effacer toute trace de certaines transactions. Information révélée par d’ex-informaticiens de Clearstream.

Ce que l’on apprend grâce à Denis Robert est la façon dont les flux d’argent monumentaux détournés par des hommes politiques se mêlent à l’argent de la mafia, du Vatican, des commissions occultes etc., et la façon dont tout cet argent sale se trouve effacé et transformé en argent versé miraculeusement sur des comptes dans des banques off-shore, après avoir été changé en actions, transité sur des comptes de sociétés écran etc.
Bref : le président Sarkozy, qui nous fait des discours pontifiants sur l’indécence et la fin programmée des paradis fiscaux, nous cache encore une fois, par ces effets de manches, sa totale adhésion à ce système dont le cerveau ne se trouve pas outre-mer, mais à quelques centaines de kilomètres de notre capitale. Sinon, pourquoi ne s’y attaque-t-il pas ? Et ne me dites pas que ce qu’a mis au jour Denis Robert n’est pas parvenu à son oreille…
Malgré l’étouffement en règle du journaliste, la firme n’a à mon sens pas réussi complètement sa manœuvre. Certes, tout le monde de la finance a compris le message, et sans nul doute, cette acharnement du pot de fer a dû réduire les fuites et témoignages à l’encontre du système.
Mais Denis Robert n’a pas été brisé. Il aurait sûrement préféré que les choses se passent autrement, toutefois un comité de soutien s’est constitué pour l’épauler, et son cas est devenu célèbre, non par les médias, je l’ai déjà souligné, mais par le tam-tam des simples citoyens, de plus en plus écœurés par les preuves répétées de la parodie de démocratie qui nous est jouée immuablement sur les scènes judiciaires, juridiques, médiatiques, politiques.
Ainsi, l’argent collecté par ce comité de soutien a permis de faire face à l’hémorragie financière provoquée par les procès à répétition12. J’imagine que son combat a dû accroître sa popularité et donc augmenter les ventes de ses œuvres littéraires. Donc, malgré la déclaration de son intention de jeter l’éponge « Clearstream »13 et de ne plus en parler (et par suite d’arrêter les procès intentés à son encontre), je pense que Denis Robert rebondira sans problème. D’ailleurs, le nouveau procès « Clearstream », s’il m’a ramené à lui, fait forcément ressortir au grand jour les révélations de Denis Robert et son chemin de croix14. Cette publicité involontaire rend naturellement service à la propagation de la vérité. Même si les personnes informées restent tout de même une minorité, l’information est disponible pour qui veut…



1. Par Bakchich.tv, qui a posé la question aux divers avocats rencontrés dans le palais de justice où se déroule l’actuel « procès Clearstream ».
2. Voir mon précédent article « résister au protectionnisme ».
3. On trouvera le déroulement complet de l’affaire sur Wikipédia. Voir aussi l’article consacré à ce sujet sur « le monde diplomatique.fr », ainsi que cet autre, du même journaliste, sur les morts suspectes de 3 protagonistes. On peut consulter également un article très bien documenté paru sur « bakchich.info » en deux parties (1 & 2), ou l’article de Louis Poirier commentant le livre d’Eva Joly, s’étendant allègrement sur le sujet.
4. Voir cet autre article paru sur « bakchich.info », et celui-ci contenant des copies de documents.
5. Voir cet article paru sur Agoravox.
6. Voir sa biographie sur Wikipédia.
7. « Les dissimulateurs », co-réalisé avec Pascal Lorent. Visible (en assez mauvaise qualité et abimé en certains endroits…) sur « le web2zéro.tv » en deux parties (1 & 2).
8. Voir le site de soutien à Denis Robert (on peut y acheter un super T-shirt ;).
9. « L'Omerta Française » avec Alexandre Wickham, Albin Michel - Les « Rapport Omerta » 2002, 2003,2004, Albin Michel et « La Vendetta Française », Albin Michel – Déjà cités dans mon article « l’effet d’annonce ».
10. Tout à fait évidente quand on visionne le second film de Denis Robert et Pascal Lorent « L’affaire Clearstream – racontée à un ouvrier de chez Daewoo », visible (quoique tronquée) sur Dailymotion en sept parties (1, 2, 3, 4, 5, 6 & 7).
11. Voir note 10.
12. On peut en voir le détail et le total sur le site de soutien (voir note 8).
13. Voir notamment l’article paru sur « rue 89 ».
14. Voir l’excellente interview de Denis Robert parue sur « Médiattitudes » et faisant un tour complet de toute l’affaire.

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