mardi 2 juin 2009

L'effet d'annonce

Depuis déjà deux ans, je me rappelle fort bien avoir vu un économiste français, Marc Touati, régulièrement consulté dans "C dans l'air" (France5) et dans le Journal de 13h d'Élise Lucet (France2), révéler l'issue tragique où ne manqueraient pas d'aboutir la politique des subprimes et les dérives de la bulle spéculative1.
Ainsi que tous les téléspectateurs ayant suivi ces programmes, j'étais donc très tôt au courant de ce qui allait devenir le 3ème grand crack boursier mondial - les 2 premiers ayant directement précédé, et sans doute impulsé, les 2 guerres mondiales du 20ème siècle, ce n'est guère réjouissant...
On peut donc imaginer sans peine que les gouvernants, les magnats de la finance etc. en étaient eux aussi informés, et sans doute même mieux et plus tôt.
Or au début de l'éclatement de cette bulle boursière, le président Sarkozy, alors en déplacement aux Etats-Unis, dans une allocution visiblement sévère (ce dont il est certes coutumier) annonça que les responsables devaient être sanctionnés.
Parallèlement, les médias français, dans leur belle unanimité, présentaient les faits de la manière suivante:
  • la crise qui se profilait était grave et frappait de plein fouet les grandes banques et les organismes financiers internationaux.
  • la faute en revenait à Wall Street et aux banques américaines, qui avaient initié et gonflé des crédits véreux, et les établissements touchés étaient ceux qui avaient investi dans les fonds de placement infectés.
  • Heureusement, les banques françaises n'en faisaient pas partie. Comme pour Tchernobyl, le nuage allait certainement contourner la France...

À l'heure actuelle, l'argent public des états a été massivement injecté dans les grandes banques, ce qui n'a pas empêché l'effondrement des grands groupes industriels (le dernier en date: General Motors, en partie repêché à grand renfort de milliards de dollar US) et celui, moins médiatisé, d'une pléthore de PME-PMI. Les chiffres du chômage augmentent exponentiellement2. Et on cherche en vain les responsables châtiés suite au discours véhément du président français!

C'est que celui-ci applique une politique de communication qui s'est peu à peu imposée comme étant la plus efficace: l'effet d'annonce.

En effet, du temps de De Gaulle, on s'escrimait à dissimuler tout ce qui pouvait déranger, et à faire taire absolument les personnes disposées à faire des révélations. L'omerta existe encore bien de nos jours3, mais la différence réside dans la façon de traiter une fuite à même de provoquer un scandale public. À l'époque, les dirigeants éclaboussés devaient démissionner et finissaient leur carrière en coulisses, en pantouflant... L'attitude a désormais changé: on crie à l'indignation, on conspue, on annonce des mesures pour remédier à l'intolérable et... on ne fait rien. L'effet d'annonce suffit à faire retomber le soufflet. On crée des commissions d'enquêtes partisanes qui remettent un rapport convenu lorsque, des mois plus tard, l'opinion sera focalisée sur tout autre chose. Et le système continue à fonctionner dans le même sens.

L'orientation du système est fixée par une poignée de familles dominantes, qui accaparent la richesse, et donc le pouvoir, et tout naturellement n'ont pas l'intention d'en lâcher une miette. Se regardant les uns les autres, obnubilés par une compétition de luxe et de gaspillage ostentatoire4, ils ont engagé le monde dans une trajectoire vertigineuse et inhumaine, dans une course effrénée appelée à se terminer, à l'instar du Titanic, dans un immense iceberg.

1: voir entre autres l'article "risque de bulle immobilière..." sur Wikipédia
2: d'après le Monde Diplomatique - n°663 Juin 2009 p2 -, "l'économie française détruit 60.000 emplois par mois"
3: voir les excellentes enquêtes de Sophie Coignard : "L'Omerta Française" avec Alexandre Wickham, Albin Michel - Les "Rapport Omerta" 2002, 2003,2004, Albin Michel et "La Vendetta Française", Albin Michel
4: voir entre autres le livre d'Hervé Kempf : "comment les riches détruisent la planète", Éditions du Seuil



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1 commentaire:

  1. Tes articles nous amènent à réfléchir.
    Cela permet de voir les choses d’une autre manière et nous donne envie de nous informer de notre côté sur l’actualité.
    Il faut danc rester critique sur tous ce qu’on entend.

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