vendredi 24 juillet 2009

Course à l’armement

« Les dépenses militaires mondiales ont atteint un record l’an passé. Gonflées par la guerre en Irak, le retour de la Russie sur le marché et l’émergence de la Chine, elles ont atteint 1464 milliards de dollars, en hausse de 45% sur dix ans, représentant 2,4% de la richesse mondiale, selon le rapport annuel de l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri) publié lundi.1»

La Chine qui a, de même que la Russie, triplé son budget militaire en 10 ans est passée en deuxième place du classement, devant la France et le Royaume-Unis.
Bien sûr, les États-Unis restent loin devant tous les autres en terme de dépenses militaires. Mais cela s’explique du fait des guerres très coûteuses menées en Irak et en Afghanistan.
La politique étrangère étasunienne est agressive et sans concession pour personne (sauf peut-être Israël) et le reste du monde se positionne donc de deux façons :
Les vassaux, aplatis devant sa puissance et préférant l’alliance, c’est-à-dire la sujétion volontaire. La France en fait partie (Sarkozy a rendu ce fait visible).
Les concurrents indépendants, eux, tentent de se dégager de l’étranglement du python américain qui ne dissimule pas sa prédation à leur encontre.
Ces concurrents sont La Chine et la Russie.
La Chine, n’usant de la force qu’à l’intérieur de ses frontières (le Tibet en fait hélas partie) et ne pratiquant à l’égard du monde extérieur qu’une colonisation économique, les États-Unis ne peuvent que provoquer Pékin en soutenant Taïwan2 et en menaçant les dirigeants chinois d’une intervention américaine en cas de tentative d’invasion de l’île dissidente3. La présence militaire US au Japon, et dans plusieurs sites stratégiques sur l’océan Pacifique, et son soutien à la Corée du Sud et à Taïwan forment une menace directe pour la Chine.
La Russie, immense puissance nucléaire depuis l’URSS et tentant de reformer son ère d’influence et de revenir à sa place de seconde puissance mondiale, connait une véritable offensive des USA qui n’aura de cesse qu’une fois ce concurrent à genoux, et prêt à devenir lui aussi un vassal obéissant.
Sous couvert de guerre contre le terrorisme et de défense préventive contre un Iran bientôt nucléarisé, les États-Unis ont développé plus que jamais l’Otan, les pays membres de l’organisation transatlantique se pressant en Europe de l’Est aux portes de la Russie. L’Union Européenne, en bon toutou, a décidé de prêter main forte à l’Otan, auquel la plupart de ces membres adhèrent, et de déployer un imposant dispositif anti-missile qui viendra compléter les bases participant au projet ABM (Anti Missile Balistique)4. Or cet encerclement par l’Ouest de la Russie est bien sûr ressenti par le Kremlin comme une politique belliqueuse des USA5, ce que comprennent bien les experts internationaux qui voient là une manœuvre visant à désamorcer la capacité de dissuasion atomique russe et parallèlement à doter l’Amérique d’une puissance de feu lui ouvrant les portes de l’Asie Centrale et lui permettant d’intervenir dans cette zone stratégique et riche en ressources énergétiques, afin d’y assoir son leadership6.
Les deux voisins communistes, bien qu’historiquement rivaux, jouent un jeu ambigu ou se mêlent échanges, coopération et méfiance. Ainsi, bien que Moscou ait contre toute logique autorisé l’installation de bases américaines en Asie Centrale – dans des pays de la CEI – à la frontière Ouest de la Chine, des exercices militaires conjoints de grande envergure ont eu lieu plusieurs fois entre les forces russes et chinoises7.
Et si la Chine est depuis 2000 le premier importateur mondial d’armement, c’est à 93% en Russie qu’elle se fournit8. De plus, la Russie, second producteur mondial de pétrole, construit de gigantesques pipe-lines pour alimenter très prochainement la Chine en hydrocarbures.
Ce partenariat pourrait, à mon sens, constituer la partie visible de l’iceberg, et dissimuler une véritable alliance naissante et qui rappellerait le traité Rapallo, traité secret signé en avril 1922 par l’Allemagne Nazi et l’URSS et qui a permis le réarmement massif du 3ème Reich, la fabrication de son aviation et de ses sous-marins, l’entrainement de ses pilotes etc. en échange du transfert de son savoir-faire dans les domaines du renseignement et de l’industrie de l’armement. Dans le plus grand secret, des usines sont ouvertes en URSS et du personnel local, encadré par des ingénieurs et techniciens allemands, va produire à un rythme soutenu un impressionnant arsenal de guerre pour les deux puissances dévoyées du monde de l’époque9.
Donc, tous les intervenants souriants déplacent leurs pions sur l’échiquier mondial en se réclamant de l’anti-terrorisme tandis que le marché de l’armement atteint des sommets. L’alibi de la guerre contre le terrorisme a même permis d’assouplir les règles de fournitures d’armes de façon à en livrer à profusion, même à des régimes peu soucieux des droits de l’homme10.
La France, 5ème exportateur mondial, n’en est pas moins, malgré la crise, le 3ème en matière de dépenses d’armement, en augmentation de 4,5% en 2008.
Notre bienveillant président, jurant devant Arlette Chabot et PPDA qu’il allait bien prendre soin du pouvoir d’achat des citoyens, a fait passer en urgence dans la nuit du 16 au 17 juillet la LPM 2009-2014 (Loi de Programmation Militaire), allouant sur 5 ans une enveloppe de 185 milliards d’euros à la défense. Sachant qu’une restructuration de l’armée fait aussi partie du plan, prévoyant la fermeture de 80 unités et la suppression de 6,4% de son personnel civil et militaire11, cette loi, passée de façon peu orthodoxe – encore une… – permettra certainement de continuer à acquérir davantage d’armement, et sans doute aussi de déléguer les opérations armées courantes à des organisations privées (mercenariat, de plus en plus en vogue).
Si la hausse des ventes d’armes a de quoi réjouir le complexe militaro-industriel des pays exportateurs12, je trouve pour ma part inquiétant de constater une telle course à l’armement (45% de hausse en 10 ans !) se poursuivre, et même s’accélérer alors que les priorités logiques en ces temps de crise financière grave seraient plutôt un soutien aux secteurs économiques et sociaux –financiers : c’est déjà fait…
Mais notre pays semble bien pris dans un tourbillon, et sa politique n’est certes pas l’expression de son peuple que l’on prétend souverain. J’ai l’impression que des évènements terribles sont en préparation13.
Où donc se joue l’avenir de notre monde et qui donc prend les décisions in fine ?
Deux camps s’affrontent : D’un côté, les partisans de la thèse de l’auto-détermination des populations et de la séparation de la finance et de l’état.
D’un autre côté, les partisans de la thèse du complot14.
Plus je creuse, et plus je me rends compte que la seconde catégorie est plus proche de la vérité, et qu’elle est loin d’être le fait de paranoïaques et de foldingues.
La première, par contre, est amplement pourvue d’ignorants à qui on ne la fait pas, et de cyniques qui les maintiennent dans leur position, les œillères dans la bonne direction.



1. Voir l’article de Libération « Guerre en Irak, puissances émergentes: les dépenses militaires explosent »
2. Notamment en lui fournissant des missiles en réponse à l’installation de missiles chinois pointant vers l’île.
3. Lire entre autres le livre d’Éric Laurent – La face cachée du pétrole – Plon ("Une Chine qu’il vaut mieux stopper maintenant"-p283)
4. Voir l’émission « Le dessous des cartes – Otan, nouvelle donne »
5. Voir l’article paru sur russomania.com : « le bouclier antimissile en Europe de l’Est et l’expansion de l’Otan »
6. Voir l’excellent article – bien que datant de 2007 – de Jean Geronimo « L'objectif caché du bouclier antimissile américain : le contrôle de la puissance russe » reproduit sur mondialisation.ca
7. Depuis 2005 dans la Péninsule de Shandong (voir « Le dessous des cartes – Russie-Chine, partenaires ou rivaux ») jusqu’à "Mission de paix 2009" (voir l’article paru sur RIA Novosti)
8. Voir « Le dessous des cartes – Russie-Chine, partenaires ou rivaux »
9. Lire le livre d’Éric Laurent – La face cachée du pétrole – Plon ("une alliance entre des bandits et des ruinés"-p.53)
10. Voir l’article paru sur le Monde Diplomatique : « Le grand bazar des armes »
11. Voir l’article publié sur challenges.fr
12. Voir les articles parus sur le monde.fr, spyworld-actu.com (reprise d’une page obsolète de latribune.fr) ou de RIA Novosti
13. Impression qui ne fait que conforter mes prévisions, puisque la situation décrite dans mon livre « 2020-2030 Chroniques de la survie ordinaire » est tout à fait conforme à ce scénario.
14. À ce propos, on peut lire l’article tout à fait pertinent (quoique non sourcé) d’Olga Chetverikova « une crise utilisée comme moyen pour instaurer un État totalitaire mondial » et traduit sur le site mondialisation.ca




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